Un dîner presque imparfait

Publié le 26 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.

L’initiative était excellente. Mais comme c’est souvent le cas dans les dîners en ville, le voisin de table peut être plus important pour l’appétit que le menu et peut transformer les meilleures recettes en brouet infect. Nous n’en avons pas été loin ce soir-là avec, dans le rôle de voisins de table, les intervenants.

La question du débat était pertinente : « À quoi sert le codéveloppement ? » Des intervenants de premier choix : un responsable de l’Agence française de développement (AFD), un député français, une directrice du sanitaire, une cinquantaine de convives, pour un repas palatable, dans un restaurant convenable. Le décor était planté. Les introductions des intervenants furent assez convenues. C’est souvent le cas dans ces débats quand le Blanc – deux des trois intervenants – ne sait pas comment aborder un public de Noirs présumés susceptibles, et de Blancs « amis de l’Afrique », équivalent approximatif de la Société protectrice des animaux (SPA) ou de la World Wide Fund for Nature (WWF). En revanche, les questions furent de sublime facture et accentuèrent l’insipidité du blabla anachronique de certaines réponses.

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D’entrée, quelqu’un a voulu savoir si la notion d’aide que continue de charrier l’AFD est encore de mise. Puis l’on s’est demandé si l’on avait beaucoup avancé en transformant la coopération en codéveloppement puis en développement solidaire. Les mots, nous a-t-on répondu, n’ont pas d’importance ; seules les actions importent. Évidemment, le prosateur que je suis pense le contraire et reste persuadé que les notions mal définies conduisent à des actions incertaines.

On n’a pas échappé à l’incontournable condamnation de la Chine, qui exporterait une main-d’œuvre de repris de justice (sic) et lancerait des chantiers au rabais, tout cela au mépris des droits de l’homme. Mais le public, intraitable, avait réponse à tout. Un champion de judo immigré a rétorqué au député sinophobe que l’on était cependant bien aise au Cameroun d’avoir enfin une belle salle omnisports qui permet aux champions locaux de ne pas être condamnés à l’exil.

Après avoir rappelé que communications et énergie sont les deux mamelles du développement, un dîneur a voulu savoir si les codéveloppeurs pensent que cela s’applique aussi à l’Afrique. Alors comment expliquer que la France exploite à vil prix l’uranium nigérien pour son énergie et propose du photovoltaïque codéveloppé à ce même Niger, là où une centrale ferait l’affaire ? Il a aussi demandé si l’on allait faire rouler le TGV avec du photovoltaïque. Et rappelé que l’usine française d’aluminium d’Édéa, au Cameroun, absorbe à elle seule 80 % de la production de la première centrale hydroélectrique d’un pays qui souffre au quotidien des coupures d’électricité. Selon lui, on aurait dû assurer ces actions plus efficaces – prix juste de l’uranium et du pétrole africains, centrale nucléaire au Niger, électricité d’Édéa pour les besoins locaux – plutôt que de recourir à la mesquine charité codéveloppante photovoltaïque.

Nous avions en mémoire le reportage sur la Françafrique : de Gaulle avait établi cette liaison dangereuse pour garantir l’indépendance énergétique de la France au détriment de celle politico-économique de l’Afrique. Un ange rapace passa.

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