Adieu John William

Décédé le 8 janvier à Antibes (France) à l’âge de 88 ans, le chanteur franco-ivoirien a interprété les plus grands classiques de la chanson française.

Clarisse

Publié le 12 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.

Il était l’une des premières figures noires de la chanson française. Voix chaude, profonde et grave, il interprétait avec talent les versions françaises des bandes originales de films : « Si toi aussi tu m’abandonnes » (Le train sifflera trois fois), « La Rose des sables » (Lawrence d’Arabie), « Le Jour le plus long », « La Chanson de Lara » (Le Docteur Jivago)…

Pour des millions de francophones, John William restera aussi la première voix à avoir chanté la cause des Noirs dans l’Hexagone. Surfant sur la vogue du jazz dans la France libérée du milieu des années 1940, il s’était imposé dans les cabarets grâce à un répertoire de chansons américaines, avec les idées et les réalités qu’elles véhiculaient, devenant, peu ou prou, un chanteur engagé. « Je suis un nègre » lui vaudra le Grand Prix d’interprétation 1952 du festival de Deauville, dans l’ouest de la France. Curieux, ce désir de militer, pour un sang-mêlé qui affirmait n’avoir jamais souffert de racisme ? Pas tant que cela. Il en disait si peu sur lui, et certains silences publics recèlent des blessures privées.

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Pour John William, c’est d’abord celle de son arrachement à l’Afrique. Fils d’une Ivoirienne de 15 ans offerte par un chef de village à un Blanc, il sera enlevé à sa mère à l‘âge de 18 mois et envoyé à 8 ans dans un petit village français. La seconde tient à sa déportation au camp de concentration de Neuengamme, révélée par le livre et le documentaire de Serge Bilé Noirs dans les camps nazis. « Malgré toutes les souffrances endurées, dont la découverte du décès de sa mère quand il tente de la retrouver, John William répandait autour de lui un formidable rayonnement dont seuls sont capables les êtres exceptionnels », confie le journaliste franco-ivoirien.

Et si pour le crooner l’Afrique n’était que déchirement intérieur, il avait une tendresse particulière pour la Côte d’Ivoire, dont la seule évocation illuminait son regard. « Il donnait l’impression d’être passé à côté d’une partie de sa vie », affirme Serge Bilé, qui projetait de l’y emmener pour un film sur les traces de son passé. L’occasion, aussi, pour ses autres compatriotes, dont beaucoup ignoraient jusqu’à son existence, de lui rendre hommage. Las, cela n’a pas pu se faire : malade, il était trop faible pour voyager. Il est mort le 8 janvier à l’âge de 88 ans.

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