Bras de fer pour la reprise de Plysorol au Gabon

Face à l’ancien PDG chinois, attaqué au pénal pour détournements et abus de biens sociaux, Ghassan Bitar a dû lutter pour prendre le contrôle des filiales gabonaises du spécialiste européen du contreplaqué. Épilogue judiciaire décisif le 26 janvier.

Manifestation des salariés, le 6 décembre à Liberville. © AFP

Manifestation des salariés, le 6 décembre à Liberville. © AFP

Julien_Clemencot

Publié le 25 janvier 2011 Lecture : 4 minutes.

À Libreville, l’affaire a alimenté les discussions pendant des mois. Qui, du Chinois Guohua Zhang ou du Libano-­Ghanéen Ghassan Bitar, sortirait vainqueur du duel pour le contrôle de l’entreprise française Plysorol, dont les filiales gabonaises sont des acteurs majeurs de la filière bois au pays d’Ali Bongo Ondimba ? Leroy Gabon possède 600 000 ha de forêts, et Pogab une usine de transformation. Fin décembre 2010, l’exécution au Gabon de la décision de la justice française attribuant leur reprise au groupe Bitar n’a pas mis fin au bras de fer.

« Nous sommes un peu dans la même situation qu’en Côte d’Ivoire, décrypte un proche du dossier. Le premier, à l’image de Gbagbo, a perdu au plan légal, mais fait tout pour rester en place, alors que le second, qui a accumulé les décisions de justice en sa faveur, doit lutter pour s’asseoir dans le fauteuil de patron. » Attaqué au pénal pour détournements et abus de biens sociaux au détriment de Plysorol, l’ancien PDG, Guohua Zhang, qui a fait fortune en important du ciment au Gabon, sera jugé en appel le 26 janvier. Le conflit entre les parties devrait alors enfin trouver un épilogue.

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« Nous ne sommes pas totalement sereins, affirme cependant un conseiller de Ghassan Bitar. Nos adversaires sont particulièrement inventifs quand il s’agit de repousser les échéances. » En effet, depuis trois mois, Zhang n’a pas cessé de multiplier les recours. Son objectif : retarder la mise à jour de ses actions répréhensibles, mais aussi faire perdre patience au repreneur libanais et le pousser à l’abandon.

Trésor de guerre

Il faut dire que Ghassan Bitar ne connaît pas grand-chose aux affaires gabonaises. Dans un pays où les autorités ne fonctionnent pas toujours au diapason, il a bien du mal à identifier ses soutiens, en dépit de l’appui du président Bongo. De quoi être déboussolé quand, en décembre, la gendarmerie a par exemple bloqué l’accès de l’usine aux salariés de Pogab, sans accord du parquet. Intéressé par le dossier en raison de ses implications en France (voir encadré), le cabinet de Christian Estrosi, alors ministre français chargé de l’Industrie, n’a pas simplifié la tâche du repreneur avec son lobbying trop pressant en faveur de Bitar.

Tout cela coûte cher à Bitar, qui a injecté au Gabon plus de 500 000 euros pour payer les salaires et remettre en route l’outil de production. L’argent ne serait en revanche pas un problème pour Zhang. Le camp Bitar le soupçonne de s’être constitué un trésor de guerre de plus de 6 millions d’euros sur le dos de Plysorol.

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Car l’homme d’affaires chinois est loin d’être un enfant de chœur. En avril 2009, alors qu’il reprend le groupe français au nez et à la barbe de Bitar, déjà intéressé à l’époque, il s’engage à ne céder aucun actif avant trois ans. Pourtant, trois mois plus tard, Zhang organise le transfert des capitaux de Leroy Gabon et de Pogab vers Honest Timber, une société qui lui appartient. Autre entorse à la bonne gestion : les fruits de la vente de stocks de Leroy Gabon à des sociétés tierces ont été versés à Honest Timber. L’ex-dirigeant de Plysorol serait aussi soupçonné d’avoir collecté à son profit les charges sociales prélevées sur les salaires de ses employés gabonais. Et la liste des malversations ou tentatives de malversations pourrait encore s’allonger.

Reste que Plysorol, en dépit d’une situation financière dégradée (6 millions d’euros de pertes sur les quatre derniers mois d’exploitation par Zhang), représente une acquisition stratégique. Bitar voit ses réserves forestières ghanéennes s’épuiser et cherche d’autres concessions. Avec ses 600 000 ha au Gabon, Plysorol est un véritable gage de pérennité pour l’entrepreneur libanais. Autre atout : la possibilité de décrocher la certification décernée par le Forest Stewardship Council, une ONG qui reconnaît la qualité environnementale de l’exploitation d’une forêt. Ce label, de plus en plus apprécié des acheteurs de bois exotique, serait « très difficile à obtenir au Ghana tant il faudrait réduire les coupes », estime Alain Karsenty, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Dernière explication de l’intérêt suscité par Plysorol : les activités françaises de l’entreprise offriront à son propriétaire une complémentarité sur le marché européen entre bois rouge africain et bois blanc européen.

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Selon son plan de reprise, Ghassan Bitar prévoit d’investir 25 millions d’euros pour aménager et équiper les concessions forestières, moderniser l’usine et remplacer les matériels disparus à la suite du départ des hommes de Zhang. Grâce aux moyens débloqués par le repreneur, la production, de 77 000 m3 en 2008, devrait selon ses prévisions atteindre 193 000 m3 en 2012.

De nouveaux emplois ?

Chez les professionnels de la filière bois, le groupe Bitar reçoit, au moins officiellement, un bon accueil. « Son arrivée est une excellente chose, il a une véritable connaissance du métier », confirme Gérard Moussu, secrétaire général de l’Union des forestiers industriels du Gabon et aménagistes (Ufiga). Le pedigree de Ghassan Bitar cadre en effet parfaitement avec la volonté du président Ali Bongo Ondimba d’industrialiser le secteur. Élevé dans la sciure des usines de son père au Ghana, le quadragénaire, diplômé de l’université de Los Angeles, possède un vrai savoir-faire dans la transformation (planchers, contreplaqués…). Il semble si bien armé pour redresser Plysorol que sa venue ferait grincer quelques dents chez les concurrents. Ghassan Bitar a en outre bonne presse à Libreville parce qu’il va, assure-t-il, conserver la totalité des 500 salariés gabonais et se dit même prêt à créer 500 nouveaux emplois d’ici à 2013.

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