Song Dongsheng : « Nous sommes dans une position de collaboration, pas de domination »

Incontournable sur le continent avec 50 000 salariés dans 30 pays africains, le géant chinois Sinohydro n’y relâche pas ses efforts. Entretien avec son président, Song Donsheng.

Il a pris la tête de l’entreprise publique il y a un an à peine. © Sinohydro

Il a pris la tête de l’entreprise publique il y a un an à peine. © Sinohydro

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Publié le 10 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Mi-mai, à Paris. Song Dongsheng, 51 ans, président du géant chinois du BTP Sinohydro depuis à peine un an, est confiant. En lice pour la construction du complexe hydroélectrique Grand Inga (RD Congo), il est venu plaider sa cause auprès du gouvernement congolais et des bailleurs, réunis dans la capitale française autour du projet. Une belle occasion pour l’entreprise publique, créée en 1951 au lendemain de la révolution chinoise, de réaffirmer son intérêt pour le continent. Elle y a réalisé 2,8 milliards de dollars (2,1 milliards d’euros) de chiffre d’affaires en 2012 (sur un total de 20,1 milliards de dollars) et y emploie environ 50 000 salariés dans 30 pays.

Du haut de ses trente-deux ans de maison, Song Dongsheng a aussi mis en avant l’appui apporté à son groupe par le gouvernement et les banques de l’empire du Milieu, un atout face aux consortiums concurrents, un coréo-canadien (Daewoo, Posco et SNC-Lavalin) et un espagnol (ACS Group, Eurofinsa et AEE). Il a répondu aux questions de Jeune Afrique.

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Propos recueillis par Christophe Le Bec

Jeune Afrique : À Paris, vous avez participé aux discussions sur le financement et la construction du barrage d’Inga III, sur le fleuve Congo. Allez-vous réaliser cet ouvrage ?

Song Dongsheng : Ce projet d’Inga est un rêve pour une société comme la nôtre. Je suis venu à Paris avec la ferme intention de décrocher le rôle de principal contributeur à la construction de ce grand barrage, pour laquelle un appel d’offres est en cours. Nous formons un groupement avec deux autres sociétés, China Three Gorges Corporation et China International Water & Electric Corporation [CWEC]. Pour le moment, nous ne connaissons pas le détail des différents lots du projet, entre la construction du barrage, des générateurs de courant et de la distribution de l’électricité. Il est encore tôt pour dire exactement ce que nous allons faire sur ce chantier [qui doit démarrer en octobre 2015] mais nous sommes confiants, nous y participerons.

Le projet de Grand Inga est-il comparable à celui des Trois-Gorges, le plus grand barrage hydroélectrique au monde, construit sur le Yangtsé en Chine ?

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Grand Inga [composé de sept barrages] est plus coûteux et plus grand, en taille, que le complexe hydroélectrique des Trois-Gorges, où nous avons exécuté 60 % des travaux. Mais ce dernier était techniquement plus difficile à bâtir. Avec l’expertise que nous avons, la construction d’Inga ne nous posera pas de problème…

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La RD Congo estime à 8,5 milliards de dollars le montant nécessaire à la réalisation d’Inga III. De quels appuis disposez-vous auprès des banques ?

Nous avons la chance d’être soutenus par les banques publiques chinoises, en particulier China Exim Bank qui nous suit depuis longtemps sur de nombreux projets. Nous avons d’ailleurs prouvé par le passé que nous sommes capables de proposer des conditions financières particulièrement attractives. Par exemple, pour permettre à la RD Congo d’être prête à temps pour accueillir le dernier sommet de la Francophonie [en octobre 2012], nous avons préfinancé – pour plusieurs dizaines de millions de dollars – et réalisé en dix mois la nouvelle piste de l’aéroport de Kinshasa. C’est du jamais vu dans le BTP !

Quels pays visez-vous en priorité ?

En Afrique francophone, en dehors de la RD Congo, nous nous positionnons sur les projets de construction de trois ports en Mauritanie (port de pêche à Nouakchott, minéralier et pétrolier à Nouadhibou). En Côte d’Ivoire, nous bâtissons la centrale hydroélectrique de Soubré. Mais nous avons aussi d’importants projets de barrages et de routes en Algérie, au Cameroun, au Gabon et au Mali. D’ailleurs, dans ce dernier pays, où nous construisons le barrage de Félou, nous avons maintenu les cadences malgré les troubles politiques, alors que les autres groupes internationaux rapatriaient leurs équipes.

Depuis le début des années 2000, la Chine a fortement poussé ses entreprises à venir en Afrique. À tel point qu’elles dominent aujourd’hui totalement certains secteurs, comme celui des travaux publics…

Nous ne sommes pas dans une position de domination, mais de collaboration. Chez Sinohydro, nous le prouvons d’ailleurs dans le domaine des ressources humaines, où nous insistons beaucoup sur les transferts de compétences et la formation. Et l’intérêt chinois a été bénéfique à l’Afrique, il a même poussé des groupes – notamment européens – à y revenir, pour nous empêcher de dominer les marchés…

Justement, quels sont vos principaux concurrents sur le continent ? Des groupes comme le canadien SNC-Lavalin ?

Dans le domaine hydroélectrique, nous sommes clairement leaders, grâce à nos coûts bien inférieurs à ceux de nos concurrents occidentaux. En revanche, dans le domaine de la construction de routes et de bâtiments, nous nous heurtons notamment aux français Vinci et Bouygues, via sa filiale Colas.

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