Sur la piste d’Al-Qaïda

Christophe Boisbouvier

Publié le 19 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Le 7 janvier à minuit, dès qu’il est informé de l’enlèvement de deux Français, Salou Djibo ordonne la chasse aux terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Pour le chef de l’État nigérien, l’affront est insupportable. Un rapt en plein Niamey, dans un restaurant situé à sept cents mètres de la présidence… Il faut que les ravisseurs soient arrêtés au plus vite. À la tête d’une cellule de crise, il place aussitôt son chef d’état-major particulier, le général Moussa Gros, et le ministre de l’Intérieur, le commissaire divisionnaire Ousmane Cissé. Ordre est donné aux unités de Tillabéri de couper la route aux ravisseurs avant la frontière malienne. À 3 heures du matin, premier accrochage près de Ouallam, à 100 km au nord de Niamey. Un véhicule de la garde nationale est mitraillé par les terroristes. Un capitaine de la garde est grièvement blessé. Le commando parvient à s’échapper.

À Paris, branle-bas de combat au PC de crise du ministère de la Défense, dans les sous-sols de la rue Saint-Dominique. Peu après 3 heures, l’état-major français fait décoller de Niamey un avion de surveillance Bréguet Atlantique 2 qui va suivre les ravisseurs à la trace. Dans le même temps, il expédie à Ménaka, dans le nord du Mali, les forces spéciales héliportées prépositionnées à Ouagadougou, au Burkina Faso. Salou Djibo et le président français, Nicolas Sarkozy – qui est en déplacement aux Antilles –, sont d’accord. Pas question de laisser les terroristes gagner leur zone refuge du nord du Mali. Il en va de la crédibilité de l’État du Niger et du maintien de la présence d’une communauté française à Niamey. Les Nigériens doivent pousser les ravisseurs vers une zone où les forces françaises les attendront. Plus facile à dire qu’à faire.

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« Une bavure des Français »

Au lever du jour, deuxième accrochage. Un véhicule de la gendarmerie nigérienne tombe dans une embuscade tendue par le commando d’Aqmi. Le chauffeur est tué sur le coup. Quatre autres gendarmes sont faits prisonniers, et cinq s’enfuient à pied. Les ravisseurs récupèrent le pick-up de la gendarmerie et continuent leur chemin… jusqu’au moment où quatre hélicoptères français fondent sur eux. Il est 7 heures. La bataille est brève, mais extrêmement violente. Bilan : huit morts. Les deux otages français – dont l’un est exécuté d’une balle dans la tête tirée sans doute par les ravisseurs –, deux gendarmes et quatre membres du commando. Les deux autres gendarmes sont blessés. Du côté des forces françaises, deux blessés graves, dont le pilote de l’un des hélicos.

Les jours suivants, une polémique naît entre la France et le Niger. Paris confond d’abord les gendarmes blessés avec des terroristes. Protestations de Niamey. Puis, quand ils se rendent compte de leur méprise, les Français accusent ces gendarmes d’avoir participé aux combats contre leurs forces spéciales. Stupeur des Nigériens. Ousmane Cissé lâche en privé : « C’est une bavure des Français. » Les deux pays vont-ils se brouiller ? Sans doute pas. Pour entretenir une polémique, il faut abattre toutes ses cartes. Or le gouvernement nigérien n’a pas très envie d’avouer publiquement que quatre de ses gendarmes ont été capturés par Aqmi.

Surtout, les deux pays sont déterminés à faire échec à la stratégie d’Al-Qaïda. Les islamistes du désert cherchent à semer la panique chez les quelque 1 500 Français du Niger et à les pousser à partir. Niamey et Paris veulent tenir, quitte à multiplier les mesures de sécurité. Près du corps de l’un des terroristes tués un Touareg originaire de Mangaïzé, près de la frontière malienne –, les forces françaises ont récupéré un téléphone satellitaire. La puce de son appareil révèle que le commando a tourné dans Niamey pendant quarante-huit heures avant d’agir. Belmokhtar ou Abou Zeid ? Le commanditaire de ce rapt a réussi à frapper les esprits, mais il laisse de plus en plus de traces derrière lui…

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