Tongon, la pépite ivoirienne de Randgold

L’exploitation du gisement aurifère situé près de la frontière malienne a nécessité 310 millions d’euros d’investissements. Mais avec 6 tonnes d’or en 2012, la production est encore bien trop faible selon le patron de Randgold.

Dans la carrière (2 km de long sur 500 m de large), les ouvriers percent le sol pour y placer des charges explosives. © Olivier/JA

Dans la carrière (2 km de long sur 500 m de large), les ouvriers percent le sol pour y placer des charges explosives. © Olivier/JA

Julien_Clemencot

Publié le 11 juin 2013 Lecture : 4 minutes.

Rendez-vous a été donné à l’aéroport d’Abidjan. La visite de la mine d’or de Tongon, à l’extrême nord de la Côte d’Ivoire, près de la frontière malienne, commence souvent par un voyage dans les airs. Un bimoteur d’une vingtaine de places appartenant au groupe Randgold assure la liaison en une heure vingt, ce qui évite un fastidieux trajet en voiture. À l’arrivée, les passagers sont confrontés au gigantisme du chantier étalé sur 325 km2. La piste d’atterrissage fait partie des nombreuses infrastructures construites pour l’exploitation du gisement. À cela s’ajoutent 200 km de routes, dont celle reliant Tongon à la capitale régionale Korhogo, une ligne à haute tension et une usine. En tout, plus de 400 millions de dollars (environ 310 millions d’euros) d’investissements.

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En cette fin du mois d’avril, la direction du groupe, dont le siège est à Jersey (Royaume-Uni) mais les patrons essentiellement sud-africains, est réunie sur le site à l’occasion du conseil d’administration de la société Tongon SA, détenue à 89 % par Randgold et à 10 % par l’État ivoirien. Mark Bristow, directeur général du géant minier, mène le débat. Le message est clair : le général n’est pas satisfait. Le cours de l’or, même s’il reste haut, est à la baisse. Les coûts opérationnels ont augmenté, entre autres à cause des coupures électriques et des trop nombreux arrêts de l’usine. Et la production 2012 – 6 tonnes d’or (environ la moitié de la production ivoirienne) – a reculé de 16 % par rapport à l’année précédente. Résultat : si la mine a généré 189 millions de dollars de profits, les investissements ne seront couverts qu’en 2015, avec un an de retard. Pour améliorer la productivité de l’usine, Tongon SA a prévu d’injecter 30 millions de dollars supplémentaires dans le site en 2013.

PRESSION. « Les banques ne nous financent pas en Côte d’Ivoire. C’est l’argent gagné au Mali que nous avons investi », s’agace Mark Bristow en aparté. Plus que tout, le patron craint que le gouvernement ivoirien n’augmente la fiscalité du secteur à l’occasion de la révision du code minier, l’empêchant de profiter pleinement du potentiel de Tongon. « La part que l’État tire de l’activité minière n’est pas satisfaisante », confirme Abdramane Diabaté, directeur général des mines et de la géologie. Alors le Sud-Africain met la pression sur le gouvernement : « Le ministre des Mines [Adama Toungara] doit prendre conscience qu’en tant qu’investisseur, nous sommes un ambassadeur pour la Côte d’Ivoire. » Mais aussi sur ses équipes : « Chaque dollar compte. »

Car la réussite du projet dépend avant tout des 1 200 ouvriers, dont 75 % de locaux, employés sur le site par Randgold et ses prestataires. Au bord de la carrière – 2 km de long et 500 m de large -, on est frappé par la démesure de la tâche. En deux ans et demi, les hommes ont déjà creusé à 60 m de profondeur. D’ici à sept ans, date prévue pour la fin de l’exploitation, ils seront encore descendus de 110 m. Au fond, on découvre un ballet permanent d’engins surdimensionnés. Chaotique en apparence, le chantier est en fait remarquablement organisé. « Avant de dynamiter le sol, nous connaissons grâce à des forages la teneur en or de chaque pan de terrain », explique Souleymane Dangouté, géologue. En moyenne, 2,5 grammes de minerai par tonne à Tongon. Pas de pépites à ramasser, mais d’infimes morceaux de métal jaune noyés dans la pierre. Seules les parcelles d’une teneur supérieure à 1,9 gramme sont envoyées à l’usine.

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La réussite du projet dépend avant tout des 1200 ouvriers employés sur le site.

RISQUES. Les roches sont alors apportées au concassage. D’immenses mâchoires les ramènent de 1 m à moins de 12 mm de longueur. Elles sont ensuite broyées par des billes de fer dans de grands tambours, avec de l’eau, explique Lansina Cissé, responsable de la production. Transformée en pulpe, la roche subit alors un traitement chimique qui inquiète les défenseurs de l’environnement. Cyanure et chaux vive sont utilisés pour isoler l’or. « Rien n’est rejeté dans la nature. Nous récupérons les 15 000 litres d’eau utilisés chaque jour », précise Amourlaye Daouda, responsable hygiène, sécurité et environnement de la mine. Quant aux risques de rejet dans l’atmosphère, la direction assure filtrer les émanations toxiques.

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En bout de chaîne, l’usine produit une substance appelée « doré », pure à 95 %. Chaque semaine, le transporteur Brinks en emporte environ 200 kg vers l’Afrique du Sud, où elle est raffinée.

Même limité, ce stock pourrait attiser les convoitises. Plutôt que de devenir un camp retranché, Tongon SA veille à entretenir de bonnes relations avec les communautés voisines. La société a consacré l’an dernier 375 millions de F CFA (572 000 euros) à des projets sur la santé, d’adduction d’eau, d’électrification et d’éducation. La somme représente environ 0,4 % de ses bénéfices. Si la paix sociale a un prix, il reste largement acceptable.

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