La leçon de Tunis
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 17 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.
La révolution menée par les Tunisiens contre un pouvoir réputé jusqu’ici sans faille, omnipotent et immuable doit faire réfléchir les dirigeants du monde arabe et d’Afrique, leurs familles et, surtout, leurs concitoyens. Les Tunisiens ont découvert, puis démontré qu’ils pouvaient contraindre le régime à changer et obtenir sa chute. Bref, qu’ils étaient maîtres de leur destin. Ils ont ainsi ouvert une brèche dans laquelle d’autres ne manqueront pas de s’engouffrer…
Dans nos régions, les véritables démocraties, où l’État de droit et les libertés publiques sont garantis, n’existent pas, ou si peu. En cette deuxième décennie du XXIe siècle, c’est là un anachronisme grave et de plus en plus insupportable. Cela doit changer et cela va changer. Nos chefs, pour la plupart vieillissants, ne peuvent plus rester sourds aux aspirations légitimes et raisonnables de leurs populations et de leur jeunesse, lasses d’attendre que les mirages se muent en miracles. Il leur incombe désormais de combler ce fossé… en passant la main pour certains d’entre eux ou en réformant vraiment, et en profondeur, tout en veillant, comme dans le cas de la Tunisie, à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, à préserver et à pérenniser ce qui a été accompli de positif. Ils ne peuvent pas non plus continuer de gagner du temps en régnant par la terreur et l’intimidation, accordant de temps à autre, avec une extrême parcimonie, quelques parcelles de liberté ou en prenant des mesures cosmétiques destinées à renflouer des porte-monnaies qui ne cessent de se vider.
Toutes proportions gardées, tout le monde se souvient, y compris sur le continent, où quelques régimes, dont celui de Mobutu, en furent ébranlés, de l’impact des images de la chute tragique du Conductor roumain, Nicolae Ceausescu, en décembre 1989. L’impensable devenait enfin possible. À l’époque, seuls les journaux, les radios et les télévisons diffusaient l’information. Désormais, internet, les réseaux sociaux et les téléphones portables véhiculent en temps réel et dans le monde entier la colère et les revendications de peuples qui aspirent plus que jamais au changement, de même que les agissements de pouvoirs souvent désemparés face aux révoltes qui les menacent.
Aujourd’hui, les Arabes et les Africains savent tout de leurs dirigeants, de leurs turpitudes, des passe droits et de la corruption qui sévit souvent dans leur entourage. Les révélations de WikiLeaks, dernier avatar de cette démocratisation de l’information, ont en partie contribué à ce tournant majeur qui n’en est qu’à ses débuts. Surtout, ils sont désormais de plus en plus nombreux à vouloir décider du moment où « trop, c’est trop ». Nos chefs seraient bien inspirés de méditer la leçon de Tunis…
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