L’énigme du séisme
Écrivain franco-congolais
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Alain Mabanckou
Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.
Publié le 18 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.
En 2009, L’Énigme du retour (Grasset, prix Médicis) nous montra un autre Dany Laferrière : un écrivain d’une sensibilité extrême qui maniait à la fois la concision stylistique et l’introspection détaillée d’une île qui, le 12 janvier 2010 à 16 h 53 – donc quelques mois seulement après la publication du livre – allait subir une des plus grandes catastrophes naturelles de son histoire. L’Énigme du retour était ainsi un livre prémonitoire. Laferrière avait peut-être entendu les premiers gémissements de sa terre natale qui allait « bouger » et avaler des centaines de milliers de ses compatriotes…
L’écrivain était donc là le 12 janvier 2010 à 16 h 53, captif du séisme dans un hôtel de Port-au-Prince avec d’autres auteurs arrivés dans la capitale pour le festival Étonnants Voyageurs. Certains liront Tout bouge autour de moi comme une continuation de L’Énigme. Ce serait céder au raccourci. On ne donne pas une suite à un chef-d’œuvre. L’Énigme fut écrite par un homme qui regardait son double – le père –, être à la fois présent et absent et qui ira dans l’autre monde sans vraiment livrer le secret de son existence. Tout bouge autour de moi est un livre dicté d’une seule voix à l’auteur par le peuple haïtien. Ce qui arrive rarement à un écrivain ! Laferrière n’a pas succombé à la tentation de l’exhibition du malheur et nous propose un vibrant plaidoyer contre l’idée très à la mode de la malédiction d’Haïti. On le lit comme si on feuilletait un carnet sauvé des ruines du séisme par une main invisible. Les faits s’entremêlent, s’écartent de la logique du calendrier pour privilégier l’enchevêtrement des rencontres, les murmures, les dialogues – et parfois les éclats de rires. Et puis il y a ceux qui, comme la mère de Laferrière, ont vécu plusieurs pages de l’histoire haïtienne. La « Vieille » le résume en susurrant à son fils : « J’aurai tout vu dans ce pays : des coups d’État militaires, des cyclones à répétition, des inondations dévastatrices, des dictatures héréditaires, et maintenant un tremblement de terre. »
Le neveu de Laferrière, écrivain en herbe qui le vouvoie, met en garde son oncle : « Vous pouvez écrire votre journal, mais pas de roman. » Et l’oncle de rassurer le neveu que ce roman a déjà été écrit… par la nature ! Il se passe en un lieu (Haïti), en un temps (16 h 53), et met en scène plus de deux millions de personnages.
Des personnages qu’on retrouve dans ce livre inoubliable.
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