Louis-Philippe Dalembert : « La reconstruction ? Quelle reconstruction ? »
Écrivain haïtien, auteur de Noires Blessures.
Jeune Afrique : Où étiez-vous le 12 janvier 2010 ?
Louis-Philippe Dalembert : Je me trouvais chez mon frère à Port-au-Prince lorsque le séisme s’est produit. Comme l’année d’avant j’étais dans les Abruzzes quand l’Italie a été frappée par un violent séisme à son tour, j’ai pu prévenir les gens autour de moi sur la conduite à tenir en attendant de nouvelles secousses. Chez mon frère, des murailles se sont effondrées, des canalisations d’eau ont explosé. Mais c’est seulement lorsque nous avons eu de nouveau accès à la télé et à internet que nous avons pris conscience de l’ampleur réelle des dégâts. Les gens étaient tétanisés sur le moment, mais très vite ils sont sortis de leur torpeur pour aller porter secours à leurs voisins. Il fallait être dans l’action ou blaguer pour oublier l’horreur !
Quel jugement portez-vous sur la reconstruction en cours ?
Quelle reconstruction ? Pour l’instant, il n’y en a pas. Faute d’argent, faute de coordination. Sur les 9 milliards de dollars d’aide promise par les pays étrangers, seulement 10 % ont été reçus. L’argent reçu a ensuite été partagé entre les différentes instances, dont 12 000 ONG qui ont leurs propres programmes de réhabilitation.
Croyez-vous pouvoir un jour écrire ce que vous avez vécu et ressenti ?
Ce sont des moments très forts qui vous marquent profondément. Aucune distance n’est possible. Il faut laisser tout cela mûrir en soi avant de pouvoir les transformer en art. J’ai toutefois écrit des articles, donné des interviews, comme sans doute la plupart des artistes et intellectuels qui étaient présents sur les lieux le jour du séisme.
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