Les leçons de Sidi Bouzid
Le suicide d’un jeune chômeur est à l’origine d’une vague de protestation générale sans précédent. Une fronde aussi spontanée qu’incontrôlable qui appelle de la part des autorités des réponses rapides et adéquates.
Tunis, Bizerte, Sousse, Sfax, Kairouan, Ben Gardane, Medenine, Siliana… Le mouvement de soutien aux protestataires de Sidi Bouzid n’a cessé de s’étendre depuis le funeste 17 décembre. Ce jour-là, Mohamed Bouazizi, 26 ans, tente de se suicider en s’immolant par le feu devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, dans le centre du pays. Un diplômé-chômeur contraint de vendre des légumes à la sauvette, des agents municipaux qui lui confisquent sa marchandise et son outil de travail, l’acte désespéré d’un jeune homme au bout du rouleau qui préfère mourir plutôt que de vivre dans la misère. Des dizaines d’habitants participent le lendemain à un sit-in devant le siège du gouvernorat, la police réprime, la ville s’embrase et la révolte s’étend. Un scénario jusqu’ici inimaginable en Tunisie…
C’est une brèche sans précédent qui s’est ouverte depuis la fin de décembre et un sérieux avertissement adressé aux autorités. Depuis l’accession au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali, en novembre 1987, c’est la première fois qu’on assiste à une vague de colère d’une telle ampleur. C’est la première fois, aussi, que le système, pourtant extrêmement organisé, ne parvient pas à contenir une contestation naissante et, même si le discours officiel affirme le contraire, spontanée. Facebook, Twitter, les téléphones portables libèrent la parole, fournissent des images et propagent l’information et les rumeurs les plus folles. Des Tunisiens s’engagent, militants des droits de l’homme, journalistes ou avocats, comme souvent. Plus marquant, car inhabituel, la présence des jeunes aux côtés de leurs aînés.
Un tournant majeur
Que veulent les protestataires ? Leurs revendications ne sont pas à proprement parler politiques, mais d’abord éminemment sociales. Ils réclament des emplois, mais surtout des règles du jeu claires, justes et transparentes pour en finir avec la corruption, le népotisme et les passe-droits. Enfin, ils veulent être écoutés et respectés.
Les événements de Sidi Bouzid constituent un tournant majeur car ils ont mis au jour les failles du modèle de développement tant vanté par le régime. La main de fer, les limogeages, les nominations, les effets d’annonce ne suffisent désormais plus. Pour la Tunisie, la décennie qui s’ouvre recèle nombre d’interrogations et d’inquiétudes qui ne pourront demeurer sans réponses.
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