Vital Kamerhe : « Le scrutin à un tour serait très dangereux pour la cohésion nationale »

Vital Kamerhe s’est insurgé contre un mode de scrutin présidentiel à un seul tour, qui pourrait être définitivement adopté ce vendredi. Selon lui cette réforme est « dangereuse » pour la cohésion nationale. 

Vital Kamerhe condamne vivement l’éventualité d’un scrutin présidentiel à un tour. © Vincent Fournier/J.A.

Vital Kamerhe condamne vivement l’éventualité d’un scrutin présidentiel à un tour. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 14 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Tous les obstacles sont levés pour une réforme de la Constitution de la RDC. Officiellement, il s’agit de réaliser des économies, mais la réélection de Joseph Kabila se trouverait facilitée par un scrutin à un seul tour. Le Sénat a adopté la réforme jeudi, comme l’Assemblée nationale avant lui. Les deux chambres réunies doivent maintenant se prononcer sur le projet. Le vote devrait avoir lieu ce vendredi, dernier jour de la session parlementaire en cours, selon le ministre de l’Information Lambert Mende.

L’opposant, Vital Kamerhe, ancien rouage de la machine électorale qui a fait gagner Joseph Kabila en 2006, réagit au projet du gouvernement de faire passer le scrutin présidentiel de deux tours à un seul tour. Président de l’Assemblée nationale jusqu’en mars 2009, Vital Kamerhe, 51 ans, a officialisé un changement de camp qui n’était plus un secret pour personne. Le 14 décembre dernier, il a annoncé sa candidature à la présidentielle de novembre 2011. Il avait auparavant créé un parti, l’Union pour la nation congolaise (UNC), pour lequel il vise rien de moins que 15 millions de membres (la RD Congo compte 65 millions d’habitants).

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Jeune Afrique : Le gouvernement a l’intention de passer à un mode de scrutin à un tour. Qu’en pensez-vous ?

Vital Kamerhe : C’est très dangereux pour la cohésion nationale. Un scrutin à un tour ne permettrait pas l’élection d’un président consensuel. Nous en avons pourtant besoin. Au Congo, il y a plus de quatre cents ethnies et plus de trois cents partis politiques. Nous allons donc nous battre pour que le Parlement refuse cette modification de la Constitution [dont l’adoption requiert la majorité des trois cinquièmes, NDLR].

A-t-elle des chances d’être adoptée ?

Des dollars vont être distribués, mais nous mettons les élus devant leurs responsabilités : ils doivent choisir entre leurs intérêts personnels et ceux du peuple congolais. Il n’est pas besoin d’être devin : quel que soit le résultat d’un scrutin à un tour, il sera contesté. Cela dit, le projet du gouvernement peut être une grande chance pour l’opposition. C’est l’occasion de nous unir autour d’un programme préélectoral commun, ce que je propose depuis longtemps.

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Vous avez été un élément actif de la campagne de Joseph Kabila en 2006. Aujourd’hui, vous vous présentez contre lui. Avez-vous vraiment des convictions ?

La politique est dynamique, pas figée. Il arrive que deux personnes qui s’entendent soient ensuite séparées par des divergences profondes. J’ai choisi Joseph Kabila dès 2001 et je ne le regrette pas. J’ai ensuite été convaincu du projet de société que nous avons élaboré ensemble. Mais les réalisations de son gouvernement se sont révélées nettement moins nombreuses que celles de la transition, de 2003 à 2006, et de nombreuses divergences sont apparues.

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Vous vous êtes donc trompé ?

Non, j’ai été abusé. C’est comme dans un mariage.

Quel principal reproche faites-vous au président ?

D’avoir abandonné le mode de gestion qui était le sien. Avant son élection, il y avait autour de lui un comité de stratégie, dont je faisais partie. Il écoutait tous les avis afin de prendre la bonne décision. Les sujets étaient ensuite portés devant les institutions. Aujourd’hui, celles-ci ne font plus que de la figuration. Cinq mois peuvent se passer sans Conseil des ministres, alors qu’il doit se tenir une fois par mois. Son entourage dit au président que tout fonctionne à l’intérieur du pays, mais, quand il se déplace, il mesure combien il a été induit en erreur.

Où se prennent les décisions ?

Je l’ignore. Je me demande même si des décisions se prennent : le pays donne l’impression de n’être pas gouverné. Il y a un déficit de leadership

Ces décisions se prennent-elles au sein d’un "gouvernement parallèle", dont le chef serait Augustin Katumba Mwanke ?

C’est vous qui citez ce nom. Lorsque j’ai annoncé ma candidature, en décembre, j’ai dénoncé, parmi mes divergences avec Joseph Kabila, l’existence de ce gouvernement parallèle. Mais que les choses soient claires : je ne dirige pas ma lutte contre Kabila. Je dénonce un système qui nous conduit droit dans le mur. Le Congo est un éléphant couché, il faut le relever.

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