Dans le secret des dieux

Fawzia Zouria

Publié le 6 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Un jour, j’étais dans un taxi à Alger. Le chauffeur m’ayant prise en sympathie – à moins qu’il ne fût un bavard né – se mit à me raconter les mille et une aventures de son métier. De quoi écrire un roman, je vous jure ! Je m’empressai de lui demander si je pouvais puiser dans ses histoires et les rendre publiques. Il refusa net, arguant de l’obligation du sitr, ce rideau de pudeur qu’il faut maintenir sur la vie intime que seul Dieu a le droit de connaître et de protéger. Pour illustrer son propos, il m’a raconté l’histoire suivante : « L’ange Gabriel fut appelé un jour par une créature féminine qui lui demanda d’intercéder auprès de Dieu pour son salut, car elle avait beaucoup fauté. L’ange monta au ciel, formula la demande au Créateur, qui, sans même réfléchir, accorda son pardon. Revenu sur terre, Gabriel annonça la bonne nouvelle à la croyante. Elle s’exclama : “Tu as dû te tromper. Dieu ne peut pardonner si facilement à quelqu’un qui a commis autant d’atrocités que moi !” Et de lui raconter par le menu sa vie jalonnée d’adultères, d’inceste et d’homicides. “S’il te plaît, remonte voir Allah, et assure-toi de ce qu’il t’a dit.” L’ange s’en alla informer Dieu de la réaction de la femme en même temps qu’il lui montra la liste de ses délits. C’est alors que l’Unique laissa tomber : “Tu lui diras qu’elle ira en enfer.” Désarçonné, Gabriel osa : “Mais, enfin, Dieu, il y a un quart d’heure, tu m’as dit que tu lui pardonnais !” “Oui, mais il y a un quart d’heure, il n’y avait qu’elle et moi qui étions au courant de ses secrets. Maintenant tu es le troisième !” »

Pourquoi je vous raconte cette histoire ? À cause de WikiLeaks. Et de cette mise à nu, ces révélations sur la place publique de toutes les nations, des péchés secrets de l’Amérique. Péchés jusque-là pardonnables parce qu’ils dormaient dans les notes confidentielles des chancelleries et dans les rapports des services secrets. On ne connaît pas encore les conséquences des révélations de WikiLeaks sur les Américains. Les mèneront-ils au paradis ou en enfer ? Autrement dit, s’ensuivra-t-il des crises diplomatiques majeures ou des revanches inédites ? Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pas à nous plaindre. Qui nous ? Nous les petits peuples qui n’avions point tort de soupçonner que des complots se tramaient dans notre dos par une Amérique soucieuse davantage de ses intérêts que de nos destinées. Nous, simples gens devenus témoins, comme Gabriel, des tractations entre Dieu et ses pécheurs et heureux de se prévaloir pour une fois de la qualité d’anges. Nous, lecteurs curieux, journalistes de tous poils, romanciers à la recherche d’intrigues, pour qui jamais récolte d’informations ne fut aussi bonne. Qu’on ne nous confisque donc pas notre bien, même s’il fut acquis sans effort. Qu’on ne nous snobe pas avec des théories sur la prétendue « transparence qui nuit à la démocratie » ou « l’info qui frise le fascisme ». De grâce, pas de grands mots ! Nous recommandons quant à nous ceci : cueillez, cueillez, bonnes gens, n’écoutez pas ceux qui vous disent que les fruits sont mauvais, ça se voit qu’ils ne connaissent pas la faim ! Ni que les infos de WikiLeaks sont des secrets de Polichinelle. À l’évidence, ils n’ont pas été, comme nous, exclus des coulisses des grandes puissances ni bernés par leurs complots. Merci WikiLeaks, Dieu punisse l’Amérique et bénisse les Ass-Anges !

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