Requiem pour un cinquantenaire

L’année 2010, celle du cinquantenaire de la première vague des indépendances des pays africains, appartient maintenant au passé. Comme il se doit, chacun des dix-sept États concernés, à une exception près, a mis un point d’honneur à célébrer l’événement avec tout le faste y afférent. Les lampions éteints, que faut-il retenir ?

ProfilAuteur_TshitengeLubabu

Publié le 20 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Première leçon, les Africains ont été très durs envers eux-mêmes. Plutôt envers ceux qui ont tenu le gouvernail depuis 1960. Sans indulgence aucune, la plupart d’entre eux considèrent les indépendances de 1960 comme un immense gâchis. Cela se résume en quelques mots : corruption, faillite des élites, manque d’infrastructures de base et du minimum vital, coups d’État à répétition, instabilité, conflits sans fin, pauvreté, déni de démocratie… La liste des plaintes est longue.

D’aucuns, sortant de leurs propres traditions, se sont référés à la Bible pour parler de la prétendue malédiction divine d’un certain Cham, deuxième fils de Noé, et de toute sa descendance, pour irrévérence envers son père. Ce fameux Cham, père de Canaan, serait l’ancêtre des Noirs ! De son côté, l’écrivain malien Moussa Konaté a publié en cette année du cinquantenaire un essai intitulé L’Afrique noire est-elle maudite ? Il insiste sur le poids de la collectivité sur l’individu, qui constitue, selon lui, un frein au développement. Les Africains « radicaux » s’en prennent, eux, à un Occident perfide et avide, pilleur invétéré des matières premières du continent et source de tous les maux.

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 Reste que pour les plus réalistes, si la mauvaise gouvernance est la principale caractéristique des régimes qui se sont succédé depuis 1960, il serait exagéré d’affirmer que le continent est resté statique. Ces derniers évoquent l’héritage colonial, qui, en termes de routes, d’hôpitaux, d’écoles, d’universités, de libertés publiques, de diversification économique, n’était pas glorieux. Ils soutiennent que l’Afrique d’il y a cinquante ans n’a rien à voir avec celle d’aujourd’hui.

Que des progrès ont été réalisés dans beaucoup de domaines, même s’ils ne sont pas à la hauteur des attentes. Et que le plus grave reste la prédation à laquelle se livre quiconque détient une parcelle de pouvoir, au détriment du plus grand nombre, sans oublier l’impunité dont jouissent les privilégiés. Avant de souligner que beaucoup de pays, naguère dirigés par des dictateurs, ont connu des alternances démocratiques crédibles.

Les uns et les autres ont sans doute raison. Mais l’Afrique a encore un long chemin à parcourir. S’il est vrai que cinquante ans représentent peu de chose dans la vie de peuples, il est également vrai qu’en cinquante ans il est possible d’améliorer les conditions de vie d’une population donnée. Ce dont le continent a le plus besoin, c’est de dirigeants intègres, soucieux du bien-être collectif, ayant une vision qui ne se limite pas à la conquête du pouvoir pour les avantages matériels qu’il procure. Il faut à l’Afrique des dirigeants capables de résoudre des problèmes aussi élémentaires que le manque d’électricité, d’eau potable, l’accès aux soins et à l’éducation. Des leaders dont la seule ambition ne doit pas consister à vouloir à tout prix voir leurs États être reconnus comme « pays pauvres très endettés » – ce statut indigne qui leur permet, une fois leur dette annulée, de compter, une fois de plus, sur la générosité des pays du Nord. Le bon sens devrait plutôt les inciter à se battre seuls pour sortir les populations des conditions de vie infrahumaines­.

Au cours du prochain demi-siècle, les Africains devront apprendre une bonne fois pour toutes qu’ils font partie de l’humanité. Et considérer que les problèmes auxquels ils sont confrontés ne résultent d’aucune malédiction. Ils devront aussi se dire que tous les peuples du monde ont connu, au cours de leur histoire, des moments difficiles. Mais que l’histoire des autres n’est pas forcément la leur. Ils devront alors, pour aller de l’avant, croire en eux-mêmes, compter sur eux-mêmes. Ils pourront alors dire, comme Léopold­ Sédar Senghor : « Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore ? / Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés ? / Ils nous disent les hommes de la mort. /Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur ».

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