Émulation gazière au Maghreb

Après deux années de chute de la demande, Alger, Le Caire, Tripoli et désormais Tunis entendent développer leur potentiel et exporter vers l’Europe et l’Asie. Au risque de se concurrencer.

Le gazoduc Medgaz doit relier l’Algérie à l’Espagne (ici à Almeria, en 2008). © Medgaz

Le gazoduc Medgaz doit relier l’Algérie à l’Espagne (ici à Almeria, en 2008). © Medgaz

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Publié le 17 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Hydrocarbures : des surprises en réserve
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Hydrocarbures : des surprises en réserve

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La crise économique n’a pas atténué l’intérêt de l’Afrique du Nord pour ses ressources en gaz. Au contraire. L’hégémonie algérienne pourrait même être menacée à terme par ses voisins. Et les efforts réalisés par Alger pour relancer l’exploration et assainir la machine Sonatrach sont une preuve, s’il en faut, de l’anxiété du quatrième fournisseur de gaz de l’Europe.

L’Égypte et la Libye apparaissent désormais comme de sérieux concurrents : les réserves du Caire ont quasiment doublé en dix ans, pour atteindre 2 200 milliards de m3 aujourd’hui, quand celles d’Alger stagnent autour de 4 500 milliards de m3. Les productions libyenne et égyptienne ont doublé en cinq ans, respectivement à 15,3 milliards et 62,7 milliards de m3 par an, contre 81,4 milliards pour l’Algérie.

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Et la Tunisie elle-même ambitionne de devenir une exportatrice, certes modeste, grâce à ses dernières découvertes. Sa production actuelle est de 2,4 milliards de m3 par an, et l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap) a annoncé une augmentation de celle-ci afin d’assurer l’exportation de 4 millions de m3 par jour, fin 2012, vers l’Italie : via Transmed (un pipeline qui vient d’Algérie et qui passe sur le territoire tunisien) pour les deux tiers, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) pour le reste.

Effet du schiste américain

« Il y a une vraie émulation dans le secteur gazier », affirme David Kaplan, analyste chez Barclays Capital. L’année 2010 semble avoir balayé tous les doutes qui s’étaient emparés des pétroliers depuis un événement qualifié de « bouleversement gigantesque » par Paolo Scaroni, le patron de l’italien ENI : l’exploitation des gaz de schiste américains (emprisonnés dans la roche) avait permis de revoir à la hausse les réserves des États-Unis. Lesquelles ont, de fait, plus que doublé.

Le pays, devenu autosuffisant, a annulé tous ses projets d’importation et plongé les prix sur le marché à court terme (principalement du GNL) dans une dépression de près de deux années. « Tous les projets de GNL ont été annulés ou retardés », rappelle Paolo Scaroni. L’Algérie a même décidé de passer par les installations égyptiennes pour transformer son gaz en GNL plutôt que d’investir dans une usine. Les prix ont été divisés par cinq, tombant à 4 dollars. Une chute accentuée par la crise économique mondiale et la baisse de la consommation, notamment industrielle.

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Est-ce la raison pour laquelle le gazoduc Medgaz, qui reliera l’Algérie à l’Espagne, a pris tant de retard ? Long de plus de 1 000 km pour un coût total de 900 millions d’euros (dont 500 millions prêtés par la Banque européenne d’investissement), le pipeline, qui transportera 8 milliards de m3 par an, est financé par un consortium regroupant Sonatrach, Gaz de France et les espagnols Cepsa, Iberdrola et Endesa. Le projet, prévu pour 2011 après avoir été repoussé depuis 2009, est largement soutenu par l’Europe, qui veut diversifier ses approvisionnements et réduire sa dépendance au gaz russe.

BP se retire, Total investit

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Au final, les compagnies sont tout de même restées au Maghreb, hormis British Petroleum (BP), englué dans la marée noire du golfe du Mexique : il devrait quitter l’Algérie en vendant ses actifs et prévoit des retards sur ses investissements en Libye. Pour sa part, Total a annoncé cette année un investissement de 1,5 milliard d’euros pour le champ d’Ahnet, en Algérie.

« Aujourd’hui, on a l’impression que ça va mieux », estime Paolo Scaroni. Les cours sont remontés autour de 7 dollars et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit un prix autour de 10 ou 11 dollars d’ici à cinq ou dix ans. « Le marché à court terme a quelques difficultés, a avoué le nouveau ministre algérien de l’Énergie, Youcef Yousfi. Mais ce sera OK dans un futur proche. » Car les perspectives sont là.

Pour l’AIE, « le gaz naturel est certainement appelé à jouer un rôle essentiel pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux pendant au moins les deux décennies et demie à venir », et la demande devrait croître de 44 % d’ici à 2035. Une croissance tirée par la Chine, qui « pourrait nous faire entrer dans l’âge d’or du gaz », anticipe l’AIE.

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