Quelle vie après le retour pour les exilés négro-mauritaniens ?
Malgré l’aide d’organisations mauritaniennes et du HCR, le retour des exilés négro-mauritaniens, ces « gitans de la Mauritanie », continue à soulever de nombreux problèmes.
Mauritanie : chronique d’une nation
Souleymane* soulève un rideau qui sert de porte. Sa maisonnette ne compte qu’une seule pièce. Des chiffons et des matelas en mousse traînent sur le sol, recouvert de nattes. Il n’y a pas d’électricité. De petites fenêtres laissent entrer la lumière. Depuis deux ans, Souleymane partage cette bicoque blanche avec sa mère, son épouse et leurs cinq enfants. Tandis qu’il parle, sa marmaille prend le petit-déjeuner, assise par terre autour d’une nappe, devant la maison. Au menu : pain et lait. Un coq hurle derrière la grille du poulailler, à laquelle s’accrochent de vieux sacs en plastique.
Fonctionnaire, Souleymane fait partie des quelque 21 000 Négro-Mauritaniens qui ont regagné la Mauritanie depuis 2008, après l’avoir quitté à la fin des années 1980. À l’époque, un incident frontalier avec le Sénégal fait éclater le racisme rampant entre Arabo-Berbères et Noirs. Parmi ces derniers, certains sont exécutés, d’autres privés de leur état civil et chassés. Près de 60 000 Négro-Mauritaniens se retrouvent alors au Sénégal et au Mali.
Les années de braise
Jusqu’en 2007, les « années de braise » sont un tabou officiel. Cette année-là, un président civil, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, promet d’organiser leur retour. Il commence en janvier 2008. Mohamed Ould Abdelaziz, continue et va plus loin : le 25 mars 2009, à Kaédi, dans la vallée du fleuve Sénégal, il reconnaît « l’affliction causée à des dizaines de familles par l’ignorance et la barbarie de l’homme ». « Sur 24 000 réfugiés au Sénégal en ayant émis le souhait, 21 000 sont désormais rentrés », annonce Ba Madine, directeur de l’Agence nationale d’appui et d’insertion des réfugiés (Anair).
Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et l’Anair accueillent les familles avec une ration de nourriture pour trois mois, un kit d’insertion (bidons d’eau, couvertures, nattes, marmites), une tente, un terrain, un hangar qui leur servira de maison. Les sites retenus pour cette réinsertion se trouvent dans les villages d’origine. Le symbole du retour des « gitans de la Mauritanie » est fort, mais les problèmes sont nombreux. Installé près de Rosso, Souleymane, encore en âge de travailler, n’a pas retrouvé son emploi dans l’administration et ne perçoit aucune contrepartie. « On est là, on traîne », dit-il. Pour les villages d’accueil, l’afflux de population est une charge que la quasi-absence d’activité économique rend difficile à supporter.
« Le peu qu’on a, on essaie de le partager », explique le chef de Médina Salam, Yacoub Diop. Au bord du fleuve, ce village desservi par une piste cahoteuse a accueilli 109 familles depuis 2008. Mais selon Souleymane Brahim, responsable de l’Anair dans la région du Trarza, le « principal problème, c’est la terre ». Nombreux sont ceux qui veulent récupérer celle de leurs ancêtres, aujourd’hui occupée. « Nous allons passer à un programme de développement des zones d’accueil », promet Ba Madine. Reste aussi le cas des 10 000 réfugiés toujours au Mali.
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* Le prénom a été modifié.
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