Moktar Ould Daddah ou « la Mauritanie contre vents et marées »
Père de la nation, Moktar Ould Daddah a enchaîné quatre mandats présidentiels. Jusqu’à sa chute, en 1978, prélude à un long exil.
Mauritanie : chronique d’une nation
« Je suis né sous une tente plantée sur une dune située au sud-est du poste administratif de Boutilimit », à 160 km au sud-est de Nouakchott, raconte Moktar Ould Daddah dans ses Mémoires*. Le 25 octobre 1924 sera la date de naissance officielle du fils de Mohamedoum et de Kadhijettou, tous deux appartenant à la grande tribu des Oulad Ebyeyri.
Son enfance bédouine sera imprégnée de culture française, un cas rare au sein des familles maures de l’époque. Il obtient son certificat d’études primaires franco-arabe à la médersa de Boutilimit en 1939, puis intègre l’École des fils de chefs de Saint-Louis et devient interprète de l’administration française en 1941. Fin 1948, las de l’administration, il part en France pour reprendre ses études. D’abord à Nice, où il obtient son bac philo, puis à Paris, où il décroche une licence en droit.
Destin politique
Alors qu’il est avocat stagiaire à Dakar, au Sénégal, le vote de la loi-cadre Gaston Defferre, en 1956, qui accorde une large autonomie aux territoires africains et autorise la création d’un pouvoir exécutif local, va changer son destin. De retour au pays, adoubé par les dirigeants de l’Union progressiste mauritanienne (UPM), il se présente à la députation aux élections de mars 1957 et, en mai, l’Assemblée territoriale nouvellement élue le nomme vice-président du Conseil du gouvernement.
En mai 1958, Moktar Ould Daddah fonde le Parti du regroupement mauritanien (PRM) et en novembre, de retour d’un voyage diplomatique aux États-Unis, il fait un crochet par Paris pour épouser l’une de ses ex-condisciples de la faculté de droit, Marie-Thérèse Gadroy, une catholique qui se convertira à l’islam en 1977 sous le nom de Mariem. Un mariage que ses adversaires politiques ne cesseront de lui reprocher. Aux élections de 1959, le PRM obtient la majorité des sièges à l’Assemblée nationale, et c’est sous sa bannière que Moktar Ould Daddah conduit le pays à l’indépendance, le 28 novembre 1960. Il sera élu président de la République en août 1961, et réélu en 1966, 1971 et 1976.
La plupart des Mauritaniens retiendront de lui l’image d’un homme modeste et discret, profondément intègre et respectueux de ses collaborateurs. Ils lui reconnaîtront également des qualités d’homme d’État et de patriote convaincu. À son actif, en effet, la création d’une administration et l’indépendance économique du pays, avec, notamment, le lancement d’une monnaie nationale, en 1973, et la nationalisation, en novembre 1974, de la Miferma, qui devient la Société nationale industrielle et minière (Snim).
Questions identitaires
On lui fera cependant grief d’avoir dirigé sans partage le pays, avec l’instauration du parti unique (en 1965) – une option qui était toutefois dans l’air du temps – et de ne pas être parvenu à faire l’unité nationale, en optant pour l’arabisation, créant de fortes tensions entre Arabo-Berbères et Négro-Africains, qu’il a fait durement réprimer.
Son régime vacille en 1976, quand l’armée mauritanienne s’embourbe dans la guerre du Sahara contre le Polisario. Ould Daddah est renversé le 10 juillet 1978. Libéré quinze mois plus tard de la prison de Oualata grâce aux pressions françaises, il rejoint la France, après un bref passage par la Tunisie. Il ne s’exprimera plus sur son pays, où il ne reviendra que le 17 juillet 2001, avec son épouse et ses enfants, et meurt à Paris le 14 octobre 2003, quelques jours avant la parution de ses Mémoires.
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* La Mauritanie contre vents et marées, Moktar Ould Daddah, éditions Karthala, octobre 2003.
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Mauritanie : chronique d’une nation
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