Senelec – EDF : Le courant passe
Il se sait attendu sur le dossier, tant la situation exaspère le pays. En signant à Paris, le 17 décembre, un accord de coopération avec EDF (anciennement Électricité de France), Karim Wade, le nouveau ministre sénégalais de l’Énergie, a voulu signifier à ses compatriotes qu’il s’attaquait au cœur du problème : la restructuration du secteur électrique national.
Engluée depuis cinq ans dans une crise financière et technique, la Senelec a plongé le pays dans un tel chaos que les Dakarois sont descendus dans la rue durant les étés 2009 et 2010. « Pourtant, les cadres sont compétents, assure Gérard Wolf, directeur du développement international d’EDF, qui tire le bilan de trois mois de travail auprès des équipes sénégalaises. Les centrales ne sont pas laissées à l’abandon, le service commercial est sérieux et recouvre près de 98 % des factures. » Alors, pourquoi toutes ces défaillances ?
Confrontée à une demande croissante, l’entreprise publique fonctionne en flux tendu. Les équipes de maintenance ne peuvent déconnecter l’une des centrales du parc de production pour la remettre en état. En cas d’arrêt, c’est la coupure. Conséquence de ce manque d’entretien : les usines sont incapables de fonctionner à pleine capacité ; des dizaines de précieux mégawattheures sont donc perdus.
« Le premier objectif du ministère est d’avoir une vision claire de la situation », explique Madior Sylla, conseiller technique de Karim Wade et membre du comité de restructuration mis en place pour relancer la filière. Un audit comptable et financier de l’entreprise, assuré par le cabinet McKinsey, viendra compléter l’expertise technique d’EDF.
Un plan d’urgence sera ensuite mis en œuvre. Il prévoit, pour le premier trimestre 2011, la location et la connexion au réseau par des équipes mixtes EDF-Senelec d’environ 100 MW de capacités électriques supplémentaires, produites par des petits générateurs. D’ici à deux ans, la Senelec devrait acquérir des générateurs de 20 MW environ, pour un total de 130 MW. Enfin, EDF participera à la remise en état de quatorze centrales sénégalaises.
Le groupe français intervient en tant que prestataire de services, pour un montant encore inconnu. « Un investissement lourd », selon un proche du dossier, mais nécessaire, tant techniquement que politiquement. « Nous n’avons plus le droit à l’erreur », confirme le conseiller de Wade.
EDF a été préféré à d’autres opérateurs pour des raisons « historiques » : le groupe français collabore depuis plus de trente ans avec la Senelec, dont « il a formé de nombreux cadres », rappelle Wolf. Pourtant, des internautes se sont émus de cette collaboration, la qualifiant de « partenariat colonial », d’aucuns – des salariés ? – rappelant qu’un audit avait déjà été réalisé par la Senelec sans que le ministère en tire les conséquences. « C’est un faux débat ! se défend Sylla. Tout le monde a été convié lors de la mise en place du comité de restructuration, tant du côté de la Senelec que du côté des consommateurs. » Et, souligne-t-il, « le ministère n’a jamais douté de la compétence des salariés de l’entreprise ». De jeunes ingénieurs seront cependant remis à niveau par la firme française, qui ne prévoit pas, pour le moment, de faire d’autres affaires au Sénégal.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Ilham Aliyev, l’autocrate qui veut « dégager » la France d’Afrique
- Carburant en Afrique : pourquoi les exportateurs mondiaux jouent des coudes pour a...
- De Yaoundé à l’Extrême-Nord : voyage sur les routes de l’impossible
- En Guinée, Mamadi Doumbouya élevé au grade de général d’armée
- Au Kenya, l’entourage très soudé de William Ruto