Pogrom sur la place Rouge
Fans de foot et nervis d’extrême droite s’en donnent à cœur joie devant le Kremlin. Bilan : au moins quarante blessés, tous « d’apparence non slave ».
![](/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,height=810,fit=cover/medias/default.png)
En confiant l’organisation de la Coupe du monde de football 2018 à la Russie, la Fifa a vraiment eu une riche – dans tous les sens du terme – idée. Le 11 décembre, des milliers de fans du Spartak de Moscou, l’un des principaux clubs de la capitale, et de militants d’extrême droite se sont rassemblés devant le Kremlin. Rendus fous par le meurtre, cinq jours auparavant, d’un de leurs congénères par des Caucasiens, ils ont violemment agressé les passants d’apparence « non slave », ainsi que les – rares – policiers présents. Leur cri de guerre : « La Russie aux Russes ». Bilan : une quarantaine de blessés.
Le 13 décembre, le président Dmitri Medvedev a dénoncé ces « pogroms » et estimé que « tout acte visant à attiser la haine raciale, nationale ou religieuse menace la stabilité de l’État ». Mais, dès le surlendemain, il a invité les syndicats à faire pression sur les employeurs pour qu’ils embauchent des Russes plutôt que des immigrés.
Le 15 décembre, diverses organisations caucasiennes ayant appelé, via internet, à manifester dans le quartier de la gare de Kiev, à Moscou, les autorités ont dû déployer quelque trois mille policiers pour éviter tout affrontement avec les militants d’extrême droite. L’accès à la place Rouge a été totalement interdit, et environ sept cents personnes, essentiellement des Caucasiens, ont été préventivement arrêtées. Le lendemain, un jeune originaire d’Asie centrale a néanmoins été sauvagement passé à tabac par une vingtaine de nervis.
La xénophobie est, en Russie, un mal endémique, mais elle est en pleine recrudescence depuis la chute du communisme. Pour tenter de l’endiguer, le gouvernement ne manifeste pas un zèle excessif. Il est vrai que plusieurs groupes d’extrême droite le soutiennent ouvertement. Comme l’écrit le journal économique Vedomosti, « la sous-culture des fans de foot est, par nature, xénophobe. Il est urgent de se pencher sérieusement sur le problème, mais ni les autorités sportives ni les forces de l’ordre ne veulent le faire ».
Question : que se passera-t-il, dans huit ans, quand des groupes de supporteurs sénégalais, marocains ou nigérians se retrouveront face à face avec des sectateurs exaltés de la « slavitude » ?
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Bénin-Niger : dans les coulisses de la médiation de la dernière chance
- Au Togo, le business des « démarcheurs », ces arnaqueurs qui monnaient la justice
- Qui entoure Mele Kyari, président de la NNPC, l’État dans l’État au Nigeria ?
- Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo, sur les terres de Simone à Bonoua
- Alafé Wakili : « Aucun pays n’est à l’abri d’un coup d’État »