Turbulences socialistes
Le choix du candidat pour 2012 est loin d’être tranché. Le scénario d’une compétition entre le patron du parti, Ousmane Tanor Dieng, et le maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, se met en place.
Face aux Wade, qui ?
La crise ivoirienne n’aura pas été sans conséquence pour le Parti socialiste. Son secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng, l’a appris à ses dépens après avoir, imprudemment, exprimé son soutien au camarade Laurent Gbagbo. « Le Conseil constitutionnel vient de donner un verdict conforme à la réalité », a-t-il déclaré le 5 décembre depuis Dakar. La jeune garde du parti n’a guère apprécié. « Ces propos n’engagent que sa personne », a répliqué Abdoulaye Wilane, porte-parole adjoint de la formation politique. Si le patron s’est ensuite ravisé après avoir entendu « le malaise provoqué » par sa prise de position, le bureau politique qui a suivi cet épisode a traduit une certaine nervosité. Avec à la clé une notable évolution : « Le PS ne soutient aucun camp au détriment d’un autre et ne donne quitus ni chèque en blanc à aucun régime démocratique sur le continent », a précisé l’ancien ministre de la Culture, Abdoulaye Elimane Kane. Un sacré virage qui confirme « la bagarre interne lancée dans la perspective de la présidentielle de 2012 », explique un observateur sénégalais.
En effet, si le PS, après dix ans dans l’opposition, a prouvé sa capacité de mobilisation, il va devoir aujourd’hui résoudre une question autrement plus épineuse : celle du leadership et le choix du candidat pour 2012. En 2007, lors du dernier congrès, Ousmane Tanor Dieng (62 ans), seul candidat au poste de secrétaire général, a été reconduit sans difficulté. Mais, depuis, les élections municipales ont placé sur orbite celui qui avait battu campagne pour le boss en 2007, le nouveau maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall (54 ans). Et malgré les déclarations apaisantes et l’unité de façade, beaucoup se demandent si l’édile de la capitale sénégalaise ne pourrait pas tenter de ravir la place à l’ancien tout-puissant ministre d’État aux Affaires présidentielles sous Abdou Diouf.
« Notre préoccupation aujourd’hui est de déterminer la meilleure stratégie pour faire partir Wade. Voilà le vrai débat au sein du parti et de Benno. Ensuite, le moment venu, chacun sera libre de se présenter, que ce soit pour le poste de secrétaire général du parti ou à l’investiture d’un éventuel candidat socialiste. C’est sain, et c’est cela la démocratie. Mais nous n’en sommes pas encore là », assure le chef du PS. Selon lui, il n’y a pas de guerre de leadership avec Sall – son « cadet qui est un homme bien avec de grandes qualités ».
Interrogé en marge du Sommet de la francophonie à Montreux (Suisse), en octobre, sur son éventuelle candidature à la magistrature suprême, le très habile maire de Dakar laisse planer le doute. Et refuse surtout d’insulter l’avenir. « L’élection présidentielle, c’est une question personnelle. Aujourd’hui, il s’agit de voir ceux qui seront intéressés. À mon niveau, ce qui m’importe, c’est le rayonnement du parti et la préparation du scrutin. Parler de candidature aujourd’hui, c’est diviser le PS et affaiblir Benno », assure celui qui dit toujours croire à un candidat unique de la coalition de l’opposition. Pas sûr que ces propos soient de nature à rassurer les partisans de Dieng. D’autant plus que son leadership ne fait plus figure de vérité absolue et indépassable.
Porte-parole du PS, maire de Podor (Nord) et patronne de la région de Saint-Louis, Aïssata Tall Sall ne fait guère mystère de ses ambitions. Le maire de Kaffrine (Centre-Ouest), Abdoulaye Wilane, non plus. « L’air du temps est aux femmes », avait déjà prévenu en 2007 l’avocate, décrite comme étant une femme « intelligente et de caractère », tandis que le secrétaire exécutif du Cercle des jeunes cadres socialistes déclare que sa « décision dépendra des circonstances et des enjeux ».
En attendant, les deux « têtes d’affiche » du PS vaquent à leurs occupations. Tanor, souvent qualifié de « hautain » et « méprisant » sous Diouf, multiplie les tournées dans le pays. Sall s’efforce de faire de la capitale une ville propre et désencombrée, et de soutenir les démunis avec ses programmes sociaux inédits. Chacun gagne en popularité.
« Tanor est le patron incontestable et incontesté. Sall travaille au rayonnement de Dakar et du parti », veut croire Barthélemy Dias, le plus jeune maire du pays, élu sur la commune de Dakar Mermoz-Sacré Cœur. À 35 ans, il dirige le Mouvement national des jeunesses socialistes, créé en 2007. « Après l’alternance, contrairement à bon nombre de leaders, Tanor est resté fidèle à sa formation et n’a pas abandonné son idéal socialiste. C’est pourquoi beaucoup de jeunes se sont tournés vers le PS. Ils ont vu en lui un exemple de dignité et de loyauté », ajoute Alioune Ndoye, 45 ans, cadre dans le privé et maire de Dakar-Plateau. Autant de jeunes lieutenants qui semblent rouler pour l’actuel patron. « Mais tout le monde aura également remarqué le talent et le charisme de Sall : au service de Tanor lors de la précédente présidentielle et à Dakar lors des municipales. Cela donne forcément des idées », analyse un proche ami de l’intéressé.
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