Mirlande Manigat, la « maman » qui voulait devenir présidente

Alors que les résultats contestés des élections présidentielle et législatives du 28 novembre dernier sont actuellement évalués par les experts de l’Organisation des États américains (OEA), Mirlande Manigat garde encore ses chances d’accéder à la magistrature suprême pour appliquer son « chanjman ».

Mirlande Manigat, le 28 novembre 2010, à Port-au-Prince. © Thony Belizaire/AFP

Mirlande Manigat, le 28 novembre 2010, à Port-au-Prince. © Thony Belizaire/AFP

Publié le 4 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

L’attelage qu’elle forme depuis le premier tour de la présidentielle avec Michel Martelly pour dénoncer les « fraudes » du pouvoir et de son candidat, Jude Célestin, est un peu l’alliance du feu et de la glace. Lui est chaud comme la braise, une vraie bête de scène prête à enflammer Haïti avec ses discours antibourgeois. Elle est aussi posée, pondérée, mesurée que peut l’être une constitutionnaliste de 70 ans, habituée des colloques internationaux.

Elle avoue volontiers avoir « passé l’âge des folies et des plaisirs faciles » et ne « pas trop connaître la musique des jeunes ». Sur le site web de son mouvement, le Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), elle jure qu’avec son mari « on ne s’endort jamais fâchés ». Mirlande Manigat est une « petite vieille dame » à l’aspect fragile et au langage châtié. Avec ses chemisiers à fleurs, elle ressemble à une gentille nounou à qui l’on confierait ses enfants les yeux fermés. Mais elle est tout sauf un tribun. Rédhibitoire, au pays d’Aristide ? Pas vraiment.

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Alphonse, 26 ans, l’un de ses partisans, en est convaincu : « Haïti a besoin d’une maman. » Certes, Martelly fait rêver les jeunes, « mais on a déjà vu ça et l’on a vu ce que ça a donné ». Ce qu’il faut aujourd’hui ? « Un homme ou une femme de dossiers, fiable, qui ne nous mènera pas à une nouvelle catastrophe. On n’élit pas une star, on élit notre président ! »

"Une femme propre"

Ils sont nombreux à penser comme Alphonse. En tête de tous les sondages avant le scrutin, Manigat a remporté haut la main le premier tour de l’élection du 28 novembre. Avec 31,37 % des voix, elle devance de neuf points Célestin, et de dix Martelly. « Elle reste la grande favorite, analyse le directeur d’un quotidien local. Dans le chaos actuel, elle rassure. Elle a une image de femme propre, nullement impliquée dans les régimes Aristide et Préval. »

Doyenne et vice-rectrice de l’Université Quisqueya, elle détonne dans le paysage politique local, dominé par les mâles, l’argent facile et les forts en gueule. Le populisme ? Connaît pas. Elle prône le chanjman (« changement »), mais pas le Grand Soir : « Je n’ai pas la prétention de changer le pays en profondeur en cinq ans, mais je veux le remettre sur de bons rails », dit-elle. Les attaques contre ses adversaires ? Elle s’y refuse. En bonne catholique, elle s’efforce de « ne blesser ni humilier personne ».

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Son programme social-démocrate (une dose de social, une touche de libéralisme, un discours nationaliste mais pas trop et l’appel à la diaspora) correspond au milieu dans lequel elle a grandi : la bourgeoisie « éclairée ». « Je suis une privilégiée, je n’ai jamais eu faim, et c’est pour cela que j’estime devoir agir pour mon pays », explique-t-elle. Les membres du Fanmi Lavalas, l’organisation de Jean-Bertrand Aristide, ce grand pourfendeur des élites, la haïssent au moins autant que Célestin.

« Elle représente les intérêts de la minorité qui spolie les Haïtiens depuis deux cents ans », accuse l’un d’eux, qui n’omet pas de rappeler le passé de son mari, l’universitaire Leslie Manigat (80 ans), éphémère président d’Haïti (élu en février 1988, il sera renversé, en juin, par l’armée) et ancien ministre de François Duvalier (Papa Doc) avant que les deux hommes ne se fâchent et qu’il ne soit contraint à l’exil.

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Mirlande Manigat, qui l’a suivi en France et aux États-Unis, estime que c’est un atout : « J’ai l’expérience du pouvoir. » Elle en aura bien besoin. Si elle est élue, elle devra certainement composer avec un Parlement d’opposition. Elle s’y est préparée. « Si ce scénario prévaut, dit-elle, je m’inclinerai : je suis constitutionnaliste, mais aussi légaliste. »

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