Au Maroc, une réforme entre deux eaux

Élaboré en 2009, le plan Halieutis doit sortir le secteur de la crise. Mais, du côté des professionnels, des doutes persistent.

Publié le 3 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.

À la sortie du port d’Agadir, le premier étage de la nouvelle halle aux poissons sort de terre. La destruction de l’ancien bâtiment, qui n’était plus aux normes pour la vente du poisson frais, est l’une des conséquences d’Halieutis, le plan marocain de redressement de l’industrie de la pêche. Lancé en septembre 2009, il doit tripler le chiffre d’affaires du secteur (7,8 milliards de dirhams en 2008, soit 690 millions d’euros à l’époque) d’ici à 2020. Il doit aussi porter ses effectifs à 115 000 emplois directs (contre 61 000 aujourd’hui) et 510 000 indirects. Pour cela, Halieutis développe plusieurs axes : protection des ressources halieutiques, réaménagement des ports, quadruplement de la production aquacole, valorisation des produits à l’exportation, garantie de la traçabilité, modernisation et réduction de la flotte…

Dans la région d’Agadir, qui représente 28 % de la production halieutique du Maroc, le plan a été accueilli avec satisfaction par les professionnels, qui désespéraient d’être entendus après des années de crise. « Le secteur manquait d’une vision d’ensemble cohérente. Ce plan cible bien nos problèmes, même s’il aurait dû être lancé quand il y avait encore beaucoup de poissons. Il sera difficile de rattraper le temps perdu », juge Abderrahmane Sarroud, président de la Chambre des pêches maritimes de l’Atlantique-Centre-Agadir.

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Un peu plus d’un an après la présentation officielle du plan, des doutes subsistent. Première inquiétude des professionnels : les ressources se raréfient dangereusement. Halieutis prévoit que 95 % des espèces maritimes seront exploitées d’ici à 2020 d’une manière qui assure leur renouvellement, contre 5 % aujourd’hui. « C’est un bon objectif pour préserver les ressources, mais nous n’avons obtenu des quotas de pêche que pour les poissons pélagiques [qui vivent dans les eaux proches de la surface, NDLR] : sardines, anchois, maquereaux… Rien pour les autres espèces », s’inquiète Youssef Kadimi, pêcheur côtier qui possède trois navires dans le port d’Agadir et a vu ses bénéfices baisser de 60 % depuis 2003.

Navires pirates

La question des moyens inquiète également. Le gouvernement a annoncé un investissement total de 9 milliards de dirhams (800 millions d’euros) pour Halieutis. Mais, à ce jour, « on ne nous propose qu’une subvention de 25 % pour la modernisation de nos bateaux, déplore Youssef Kadimi. C’est peu, d’autant qu’il se murmure que des normes exigeantes pour les équipements de confort des marins et pour la chaîne du froid doivent être appliquées d’ici à quatre ans ». Malgré cela, il reste optimiste et vient d’investir dans un quatrième bateau.

Mais pour la plupart des armateurs, le plus grand défaut d’Halieutis est de passer sous silence l’une des principales menaces : les dizaines de navires pirates venus de Chine ou d’Espagne. « Nos accords avec l’Union européenne nous imposent de lutter contre la pêche illicite, mais les autorités ne sont pas assez zélées, tempête un armateur. Or les poissons disparaissent et l’Europe risque bien de nous fermer son marché si elle constate trop d’infractions. »

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