Mahamat-Adoum Ismaël : « Une saison agricole n’attend pas »
Le dirigeant de la société publique, qui est aussi président du Conseil national du patronat tchadien (CNPT), croit en l’avenir de la filière cotonnière. À condition que l’État investisse pour sauver l’appareil de production et redonner confiance aux cotonculteurs. Interview.
Tchad : nouvelle ère ?
Jeune Afrique : Dans quel état se trouvait la CotonTchad à votre arrivée, en octobre 2009 ?
Mahamat-Adoum Ismaël : Dès ma nomination, j’ai lancé un audit pour cerner les dysfonctionnements à tous les stades de la filière, depuis l’agriculteur jusqu’à la vente. Il a confirmé mes appréhensions : un appareil de production délabré, avec six usines sur neuf en état de fonctionnement, et un parc logistique défaillant.
Plus grave, l’audit a mis en évidence un découragement généralisé des paysans, qui n’avaient plus confiance dans la CotonTchad, en raison des impayés des années précédentes et de la supposée faible rentabilité du coton.
Quelles mesures avez-vous lancées pour remédier à la situation ?
Nous avons voulu en priorité assurer le bon déroulement de la campagne 2009-2010 et redorer le blason de la CotonTchad auprès des paysans. Pour cela, nous avons mis un point d’honneur à honorer nos dettes auprès des agriculteurs, mais aussi redoublé d’efforts pour collecter le coton jusque dans les villages les plus reculés. Grâce à ces mesures, la surface cultivée en coton a augmenté de 30 % en un an, gage d’une production en hausse pour la prochaine campagne. Nous avons produit seulement 35 000 tonnes de coton-graine cette année, ce qui est très faible [en 1997, année record, le pays avait produit 263 000 t, NDLR], mais si notre actionnaire, l’État tchadien, nous accompagne, nous prévoyons une récolte de 65 000 t l’an prochain.
Justement, de quel soutien bénéficiez-vous de la part des autorités ?
Dans les discours, je suis soutenu, car le coton fait vivre 3 millions de Tchadiens. Mais il me faut des moyens. Pour relancer la filière, j’ai présenté un plan d’investissement de 81 millions d’euros en trois ans, dont 15 millions en urgence.
J’ai obtenu l’accord de principe de l’État sur ces montants, mais l’administration tarde à débloquer les crédits, et mes interlocuteurs dans les ministères ne réalisent pas qu’il y a urgence à le faire. Une saison agricole n’attend pas. Si rien n’est fait, d’autres usines fermeront et la confiance dans la CotonTchad se dégradera à nouveau.
Le ministère de l’Agriculture doit comprendre que, grâce au coton, les petits paysans pourront se fournir en intrants et développer en parallèle des cultures vivrières. Tout le monde y gagnera.
Les prix élevés des cours, qui ont doublé depuis mars 2009, ont-ils eu un impact positif sur la situation financière de la CotonTchad ?
Sans aucun doute, oui. Nous sommes désormais en meilleure position face au pool bancaire [mené par la Société générale, NDLR] qui finance notre activité. Grâce à des ventes à prix élevés, nous avons pu apurer deux années de crédits à l’exploitation. Je suis optimiste pour l’avenir, car ce niveau de prix ne repose pas sur la spéculation mais sur une demande mondiale en forte hausse et une stagnation de la production. C’est donc le moment opportun de relancer la filière. Les Maliens et les Burkinabè s’organisent et obtiennent des résultats, pourquoi pas nous ?
Si je reçois le soutien financier de l’État, nous pouvons sauver la filière et améliorer le niveau de vie des paysans tchadiens grâce au coton. Cela étant, si les actes ne suivent pas les discours politiques, il n’y aura pas de miracle.
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