Hydrocarbures : à qui profitera Bongor ?
Alors que de nouveaux champs pétroliers, exploités par une compagnie chinoise, doivent entrer en production en 2011, la polémique enfle quant à leur impact sur l’environnement et au manque de concertation avec la population locale.
Tchad : nouvelle ère ?
Si tout va bien, c’est en juin 2011 que les premiers barils sortiront des puits du bassin de Bongor, dans le sud-ouest du Tchad, où opère la China National Petroleum Corporation (CNPC). Le site devrait livrer, en pleine phase de production, quelque 60 000 barils par jour et est considéré comme le plus grand bassin sédimentaire du pays après celui de Doba (Sud), dont les champs sont exploités depuis 2003 par un consortium composé des américains ExxonMobil (via sa filiale Esso) et Chevron Texaco, et du malaisien Petronas.
Le potentiel du bassin de Doba est estimé à 950 millions de barils sur vingt-cinq à trente ans. Il produit actuellement 120 000 b/j, exportés, via un oléoduc de plus de 1 000 km, jusqu’au port de Kribi, au Cameroun.
Plusieurs majors pétrolières – l’anglo-néerlandais Shell, les américains Exxon et Chevron – avaient lancé des opérations d’exploration dans le bassin de Bongor, avant de jeter l’éponge. Le canadien Encana y découvrira des réserves potentielles en 2004, avant de revendre ses actifs en 2007 à la CNPC, dont les forages révéleront des taux de réussite de 80 %. Depuis 2009, la compagnie chinoise concentre ses efforts sur le développement de deux champs, destinés à alimenter la future raffinerie de Djarmaya (à 35 km au nord de N’Djamena), propriété de la CNPC (60 %) et de la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT, 40 %), de même que l’oléoduc de plus de 300 km – passant notamment sous le fleuve Chari –, qui doit relier Bongor à la raffinerie. L’objectif est de couvrir les besoins du Tchad en produits pétroliers et d’exporter les excédents.
"Tchadiniser" le personnel
Mais, comme ce fut le cas au début de la production des champs de Doba, l’or noir de Bongor est au cœur d’une polémique entre les autorités et les organisations de la société civile, à l’instar de la Commission permanente pétrole de N’Djamena (CPPN). Son coordonnateur, Nassingar Rimtebaye, souligne que « les Chinois travaillent en dehors de tout cadre légal, en toute opacité, et n’ont de comptes à rendre qu’à la présidence.
Ils ne communiquent pas avec les populations locales et ne respectent pas le plan de compensation prévu dans leur cahier des charges ». D’après lui, les habitants du bassin ne tirent aucun bénéfice de la présence chinoise, que ce soit en matière d’emploi ou d’amélioration des conditions de vie. Pis, il alerte sur les menaces réelles que les activités de la CNPC font peser sur l’environnement.
Ce que Mahamat Kasser Younous, secrétaire général au ministère du Pétrole et de l’Énergie, dément : « Chaque opérateur doit au préalable produire une étude d’impact environnemental de son projet, qui débouche sur un plan de gestion de l’environnement. Les Chinois n’échappent pas à cette règle. » Quant à l’emploi : « À qualification égale, l’employeur a obligation de recourir aux locaux. La CNPC est dans une phase intermédiaire durant laquelle elle ne procède pas à des recrutements directs mais s’adresse à des agences locales de placement, explique le haut fonctionnaire tchadien. Cependant, dans sa phase de production, elle a l’obligation de “tchadiniser” son personnel. » Rendez-vous, donc, mi-2011.
Mahamat Kasser Younous remarque par ailleurs que la compensation due aux populations ne doit pas être nécessairement financière et que les opérateurs devraient plutôt investir dans des projets de développement (puits d’eau, écoles, centres de santé, etc.). « L’expérience de Doba a prouvé, fait-il remarquer, que donner de l’argent aux habitants en compensation du préjudice subi ne résout pas leurs problèmes. » Et de rappeler que, depuis 1999, la loi tchadienne prévoit que « l’État réserve 5 % des revenus du pétrole aux collectivités locales de la région pétrolifère ».
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