Mondial 2022 : impossible n’est pas qatari

On ne donnait pas cher des chances du Qatar. Pourtant, c’est au petit émirat que la Fifa a décidé de confier l’organisation du Mondial de 2022, au grand dam des autres candidats. Et de la presse sportive occidentale.

A Doha, promotion de la candidature du Qatar pour la Coupe du monde 2022. © Kamran Jebreil/AP Photo

A Doha, promotion de la candidature du Qatar pour la Coupe du monde 2022. © Kamran Jebreil/AP Photo

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Publié le 15 décembre 2010 Lecture : 5 minutes.

Comment le Qatar, un pays de la taille de la région parisienne, peuplé de seulement 840 000 habitants, aux étés caniculaires et dont l’équipe nationale de football n’a jamais participé à une Coupe du monde, a-t-il pu obtenir l’organisation du Mondial 2022 ?

Le 2 décembre, à Zurich, lorsque Sepp Blatter, président de la Fédération internationale de football association (Fifa), annonce la décision, c’est la surprise générale. Il faut dire que le dossier qatari, en concurrence avec ceux des États-Unis, de l’Australie, du Japon et de la Corée du Sud, avait été très mal noté par les inspecteurs de la Fifa lors de leur visite sur place. Les observateurs ne donnaient pas cher de ses chances, tant le pays semblait accumuler les handicaps.

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Tour de force technologique

Jugé trop conservateur, trop rigoriste, ce petit État musulman n’est pas de prime abord, il est vrai, le lieu idéal pour accueillir des foules de supporteurs occidentaux attachés à leur traditionnelle consommation de bière avant, pendant et après les matchs. La petite taille du pays faisait par ailleurs craindre une capacité d’accueil limitée. Mais c’est surtout le climat qui paraissait rédhi­bitoire. Avec ses 50 °C et son humidité asphyxiante, l’été qatari transforme le pays en une véritable fournaise.

Mais Doha semble avoir réponse à tout, et c’est sans doute cette extraordinaire volonté qui a séduit la Fifa. Pour contrer la chaleur, le projet qatari prévoit de doter les nouveaux stades d’équipements de climatisation dernier cri permettant de maintenir la température autour de 27 °C. « C’est la première fois qu’une telle technologie sera utilisée pour rafraîchir un lieu aussi vaste qu’un stade. Cela va permettre d’assurer à la fois aux spectateurs et aux joueurs une totale protection contre le soleil et la chaleur », a expliqué l’architecte du projet, le Londonien Lee Hosking­, lors d’une conférence de presse.

Les sièges seront équipés d’un système de climatisation individuelle et de l’air frais soufflera dans le dos des spectateurs pour leur assurer le plus grand confort possible. Totalement écologiques, ces installations auront une empreinte carbone quasi nulle puisqu’elles seront alimentées par de l’énergie solaire. Le même système sera dupliqué dans les centres d’entraînement et les zones dédiées aux supporteurs autour des stades. Un métro et des bus écologiques sont également prévus pour l’acheminement des fans. Quand on sait que lors des éditions de 1970 et de 1986, organisées au Mexique, on avait fait jouer les équipes sous un soleil brûlant et en altitude sans que personne s’en émeuve, on peut bien imaginer, au XXIe siècle, une Coupe du monde en plein désert !

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Sur les douze stades prévus pour accueillir les matchs – d’une capacité moyenne de 50 000 places –, neuf sont à construire et trois sont à refaire. Conscients que ces infrastructures ne leur serviront plus à grand-chose une fois la compétition terminée, les Qataris ont prévu de les démonter et de les offrir gracieusement à des pays africains. Un geste qui a dû jouer en leur faveur lors du choix final.

Symbole de l’ambition de l’émirat, le Lusail Iconic Stadium, dans la banlieue de Doha, d’une capacité de 86 250 places, accueillera la finale, la cérémonie d’ouverture, ainsi que quatre autres rencontres. Mais c’est le Doha Port Stadium (44 000 places) qui est considéré comme le véritable chef-d’œuvre du projet. Situé dans la baie de Doha, il sera édifié sur l’eau, autour d’un miniport où stationneront des bateaux-taxis.

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Stéréotypes et préjugés

De sa petite superficie, le Qatar a fait un atout, jouant la carte de la proximité. Les installations étant toutes situées dans un périmètre de 60 km, les supporteurs pourront se déplacer aisément d’un endroit à l’autre. Pour les seuls stades, Doha devrait dépenser 4 milliards de dollars (3 milliards d’euros). En comparaison, l’Afrique du Sud avait investi 5 milliards de dollars au total pour accueillir le Mondial 2010.

Mais pour le très prospère Qatar, l’organisation de la Coupe du monde n’est pas un enjeu de développement. « C’est avant tout une question de prestige. Cela va faire connaître le pays dans le monde entier », explique Lee Hosking. L’émirat, qui doit sa renommée à ses ressources en gaz et au fait qu’il abrite le siège d’Al-Jazira (la CNN arabe), veut acquérir une stature internationale.

Naturellement, de nombreux journalistes occidentaux ont accueilli la nouvelle avec un sourire narquois et des commentaires pleins de sous-entendus. L’émirat aurait acheté sa victoire à coups de pétrodollars. Le pays n’aurait aucune culture footballistique et n’est d’ailleurs classé qu’au 113e rang mondial par la Fifa. Mais Doha semble en mesure de battre en brèche tous les stéréotypes. Le comité d’organisation a déjà précisé que l’alcool serait autorisé pendant la compétition pour les supporteurs. Connue pour son sens de l’hospitalité, la population ne devrait pas avoir de mal à s’adapter à des mœurs étrangères. Le Qatar s’est également dit prêt à accueillir la sélection d’Israël si celle-ci était qualifiée. Situé entre l’Iran et l’Arabie saoudite, le pays se trouve dans l’une des régions les plus troublées du monde. « Ce choix est une forme de pari de la Fifa. En espérant que la Coupe du monde 2022 se déroule dans un Moyen-Orient apaisé. Car l’édition qatarie est aussi une utopie politique », estime Paul Dietschy, auteur de Histoire du football. « C’est une décision politique de s’ouvrir sur le monde. C’était pareil avec l’Afrique du Sud, déclare Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa. Le Moyen-Orient fait partie de la famille du football. »

Dans le monde arabe, la nouvelle a d’ailleurs été accueillie par une explosion de joie. De Doha à Casablanca, en passant par Alger et Le Caire, des supporteurs enthousiastes sont descendus dans la rue pour fêter leur victoire. « C’est un motif de fierté pour tous les pays arabes et musulmans », s’est réjoui Abdelhak Benchikha, le sélectionneur algérien. « Je suis heureux pour le public du monde arabe », s’est félicité Zinedine Zidane, qui a fait campagne en faveur du dossier qatari. Car à travers cette candidature, c’est le football arabe, l’engouement de ses spectateurs et le talent de ses grandes figures que l’on célèbre : l’Algérien Rabah Madjer, l’Égyptien Mahmoud el-Khatib, le Marocain Larbi Ben Barek, le Tunisien Tarak Dhiab…

« Merci d’avoir cru en nous, merci à tous ceux qui nous ont soutenus, merci à la Fifa, qui a fait le bon choix. On ne vous décevra pas. Je tiens aussi à saluer tous nos concurrents, dont les dossiers étaient aussi très séduisants. Merci d’avoir cru au changement. Vous allez être fiers de nous, c’est une promesse que je vous fais », s’est enthousiasmé Mohamed Ibn Hamad Ibn Khalifa Al Thani, principal représentant de la candidature qatarie, à l’annonce de la décision. Doha a déjà accueilli, avec succès, de grandes compétitions sportives, comme le Mondial de football des moins de 20 ans en 1995 ou les Jeux asiatiques de 2006. En janvier 2011, le pays abritera la Coupe d’Asie des nations. Un nouveau test parmi d’autres avant le grand rendez-vous de 2022.

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