De Gucht, en toute discrétion
Nouveau signe d’apaisement dans les relations avec la Belgique. Pour la première fois depuis qu’il avait été déclaré persona non grata, le commissaire européen au Commerce Karel De Gucht s’est rendu à Kinshasa. Sans faire de vagues…
Il a quitté Kinshasa comme il y était arrivé. Sans faire de bruit. À peine les habitants de la capitale congolaise ont-ils entendu les sirènes de l’escorte policière qui précédait le 4×4 blindé mis à sa disposition.
Le Belge Karel De Gucht, commissaire européen au Commerce depuis février 2010, avait pourtant habitué les Congolais à moins de discrétion. Les « corrompus » qui entourent le chef de l’État, Joseph Kabila, en 2008, c’était lui. Les « interlocuteurs pas appropriés », en 2009, c’était encore lui. Le « manque de gouvernance » en RDC, c’était toujours lui. Rarement diplomate occidental avait été si violent à l’égard d’un pays africain. Les cinq ans qu’il a passés à la tête du ministère belge des Affaires étrangères (2004-2009) ont tellement bousculé les relations belgo-congolaises que l’ancienne colonie avait fini par rappeler son ambassadeur en poste à Bruxelles et déclaré De Gucht persona non grata en RDC.
Longue rivalité
Le 3 décembre, ce dernier a pourtant posé le pied à Kinshasa sans créer d’incident. La diplomatie congolaise a compris qu’elle lui ferait « moins de publicité en lui donnant l’autorisation de venir », explique un proche du ministre des Affaires étrangères, Alexis Thambe Mwamba. « Les responsabilités de De Gucht au sein de la Commission européenne sont importantes, et les Congolais le savent », avance, pour sa part, Louis Michel, son illustre prédécesseur au ministère belge des Affaires étrangères ainsi qu’à la Commission européenne. Un Louis Michel désormais député européen et coprésident de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE (APP), qui est à l’origine de la venue de De Gucht à Kinshasa. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes vu la longue rivalité qui s’est jouée entre les deux hommes. Chacun n’hésitant pas à utiliser la RDC comme prétexte à des conflits de politique intérieure. Aux déclarations d’amitié d’un Michel wallon ont succédé les provocations d’un De Gucht flamand prompt à critiquer l’attachement des francophones à l’ex-colonie.
Mais le roi des Belges a fait le voyage de Kinshasa à l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance, le 30 juin. Et le dialogue entre la RDC et les Occidentaux s’est adouci depuis la renégociation du prêt chinois, ramené de 9 milliards à 6 milliards de dollars fin 2009, et l’annulation d’une partie de la dette congolaise par le Club de Paris. Un rapprochement confirmé enfin par le prochain sommet de la Francophonie, dont l’organisation a été confiée à la RDC.
Du bout des lèvres
Il était donc temps de revenir à de meilleures intentions. « Je ne suis pas ici pour me prononcer sur le passé, nous a expliqué Karel De Gucht. Mais si, dans le futur, je pense qu’il faut dire certaines choses, je le ferai de nouveau. Pour le moment, je n’en vois pas le besoin. Il y a des progrès au Congo. »
Un aveu fait du bout des lèvres et après avoir assuré le service minimum. Le 4 décembre, Karel De Gucht a prononcé un discours devant l’APP, puis a regagné la représentation de l’Union européenne, où il a rencontré des responsables d’institutions internationales. Ses seuls interlocuteurs congolais ont été le ministre du Commerce et des PME, ainsi que deux responsables de l’Initiative pour la transparence dans la gestion des industries extractives.
Devant la caméra de la télévision publique flamande (VRT), il a fini son court séjour par une petite promenade sur la rive du fleuve. « Il y a évidemment un peu de fierté, pour lui, à montrer qu’il peut marcher dans les rues de Kinshasa, explique un diplomate européen. En Belgique, on lui a tellement répété qu’il ne pourrait jamais revenir. »
La veille, Louis Michel, simple député européen, était, lui, reçu par Kabila dans sa résidence privée… Les vieilles amitiés ne se refont pas en un jour.
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