Les Marocains préparent l’avenir

Le FIFM est à la fois un rendez-vous de stars – pour son 10e anniversaire, du 3 au 11 décembre, il en a réuni une incroyable pléiade avec laquelle seul le Festival de Cannes est sans doute capable de rivaliser –, une compétition cinématographique internationale de très bonne tenue et un instrument efficace de promotion au Maroc du cinéma sous toutes ses formes.

Renaud de Rochebrune

Publié le 11 décembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Quand la jeune Marocaine Mahassine El Hachadi, auteure de Apnée, a rejoint la vaste scène du Palais des congrès de Marrakech pour recevoir son Grand Prix des mains de la belle Eva Mendes, l’actrice américaine qui monte, elle était tellement intimidée qu’elle n’a pu esquisser un sourire ni prononcer un mot. Ce 6 décembre restera sans doute l’un des plus beaux jours de sa vie professionnelle. Elle venait d’être récompensée en tant qu’auteure du meilleur court-métrage issu d’une école de cinéma marocaine – l’Esav de Marrakech, en l’occurrence – par un jury présidé par le grand réalisateur allemand Volker Schlöndorff et comprenant des cinéastes et des comédiennes renommés comme les Français Xavier Beauvois et Emmanuelle Seigner, la Palestinienne Hiam Abbass ou l’Iranienne Marjane Satrapi. À l’évidence, elle n’en revenait pas.

Cette scène illustre bien l’un des aspects paradoxaux du Festival international du film de Marrakech. Le FIFM est à la fois un rendez-vous de stars – pour son 10e anniversaire, du 3 au 11 décembre, il en a réuni une incroyable pléiade avec laquelle seul le Festival de Cannes est sans doute capable de rivaliser –, une compétition cinématographique internationale de très bonne tenue et un instrument efficace de promotion au Maroc du cinéma sous toutes ses formes. C’est cette troisième vocation que le nouveau concours Cinécoles, dont Mahassine El Hachadi est donc la première lauréate, entend désormais renforcer.

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L’avenir du cinéma marocain s’annonce sous les meilleurs auspices, à en juger par les quatorze courts-métrages sélectionnés en compétition à Marrakech, tous en provenance des quatre écoles de cinéma du pays – un record en Afrique. Trois ou quatre autres, au moins, auraient d’ailleurs pu prétendre au Grand Prix. De factures très différentes, ils traitent le plus souvent des avatars du patriarcat et du poids des traditions dans le royaume.

Petit film audacieux à la réalisation très maîtrisée, Apnée raconte, non sans humour, l’histoire d’une jeune fille qui, se trouvant dans l’obligation de s’occuper en permanence de son père, grabataire et tyrannique, songe très sérieusement au parricide – par noyade dans la baignoire familiale ! – afin de reconquérir sa liberté.

Autre signe prometteur, le seul film marocain sélectionné cette année pour la compétition est l’œuvre d’un réalisateur de 28 ans, Talal Selhami. Fort différent de la plupart des longs-métrages actuels, qui relèvent généralement du « cinéma d’auteur » et traitent, plus ou moins gravement, de sujets de société, Mirages, produit par Nabil Ayouch, appartient à la catégorie souvent méprisée des films de « genre ». Naviguant entre le réalisme (un peu), le fantastique (beaucoup) et l’horreur, il évoque l’aventure inquiétante et bientôt tragique de cinq prétendants à une fonction de cadre supérieur dans une multinationale en passe de s’installer au Maroc. Les malheureux se retrouvent pour finir condamnés à subir une épreuve de survie dans un désert aussi rude… que les rapports humains entre les personnages. Mené à un train d’enfer, ce film plein d’énergie n’est un divertissement qu’en apparence. Car c’est aussi une interrogation sur certaines conséquences fâcheuses de la mondialisation de l’économie et des mœurs.

Mirages est l’un des dix-huit films réalisés cette année au Maroc, où tous les cinéastes, après un temps d’incertitude, semblent aujourd’hui emportés par un vent d’optimisme. Bénéficiant de l’appui des pouvoirs publics, le cinéma local est sans doute aujourd’hui le plus dynamique du continent. Grâce à des débutants prometteurs, mais aussi à des auteurs consacrés comme Faouzi Bensaidi, Nabil Ayouch, Narjiss Nejjar ou le « vétéran » Mohamed Abderrahmane Tazi, dont une rétrospective de l’œuvre a été présentée à Marrakech. Les uns et les autres préparent ou terminent des films qui devraient être prêts en 2011 ou 2012.

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