Michel Martelly, un Superman contre les bourgeois

Candidat atypique à l’élection présidentielle, Michel Martelly transforme chacun de ses discours en véritable one man show. Mais derrière le chanteur populaire, le candidat est à prendre au sérieux.

Michel Martelly lors d’un rassemblement de ses partisans, le 20 octobre. © AFP

Michel Martelly lors d’un rassemblement de ses partisans, le 20 octobre. © AFP

Publié le 19 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Il faut le voir, en jean et tee-shirt, haranguer la foule, la faire rire après une saillie contre Mirlande Manigat ou s’étouffer de rage à l’évocation de la corruption supposée de Jude Célestin – ses deux principaux adversaires. Il faut l’entendre alterner slogans politiques, blagues salaces et chansons. Puis se tourner vers ses partisans, ivres de ses paroles, pour comprendre que Michel Martelly n’est pas un candidat comme les autres à l’élection présidentielle.

Certains le comparent à Jean-Bertrand Aristide. Non, pas le président contraint à l’exil en 2004, mais le prêtre qui, en 1990, redonna espoir à tout un peuple avec ses discours antibourgeois. La vérité est que Martelly (49 ans) n’a pas grand-chose à voir avec « Titid », auquel, dans le passé, il s’est opposé. Mais aujourd’hui, le symbole de la révolte contre les élites, c’est lui. Le 7 décembre, quelques minutes après l’annonce des résultats provisoires du 1er tour, ses partisans n’ont pas attendu son mot d’ordre pour laisser éclater leur colère. Martelly en troisième position avec 21,84 % des voix, derrière Célestin (22,48 %) et Manigat (31,37 %) ? Impossible. Pour eux, c’est forcément « du vol », la « victoire de l’argent ». Le lendemain, la vague d’indignation a gagné l’ensemble du pays.

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Martelly n’a pas reconnu ces résultats – pas plus que Manigat, les États-Unis ou le Canada. Il a quand même appelé au calme. Cela suffira-t-il à apaiser la colère des jeunes ? Au cours de la campagne, il n’a cessé de progresser dans les sondages. « Dans la situation actuelle, cela revient à allumer un feu dans une forêt de pins, en plein été », juge un observateur. « En Haïti, on attend toujours une figure messianique », analyse le géographe Jean-Marie Théodat.

Martelly en a le profil. Rien à voir avec cette universitaire coincée de Manigat. Ni avec ce froid technicien de Célestin. « Il n’est pas très sérieux », concède l’un de ses partisans. Mais ses diatribes plaisent. Il promet la fin de la corruption, la gratuité des soins et de l’éducation. Son grand tube, il le chantait déjà en 1998 : « Ayez un peu d’amour pour Haïti / Le peuple ne devrait pas souffrir / Il est temps d’arrêter cette comédie… »

Sur sa photo officielle, il arbore aujourd’hui chemise et cravate bleues. Son regard est déterminé. Il joue au candidat propre sur lui, au responsable qui-a-une-grave-décision-à-prendre. C’est nouveau. Avant, il était « Sweet Micky », un bad boy du micro, un pionnier du kompa (sorte de zouk haïtien), capable de baisser son pantalon sur scène. « Il faut distinguer l’artiste de l’homme, dit-il. Il y a Christopher Reeve et Superman ; il y a Michel Martelly et Sweet Micky. » Mais chassez le naturel… Le 25 novembre, son meeting au Champ de Mars, où vivent 20 000 sans-abris depuis le séisme du 12 janvier, a tourné au one-man-show. « J’ai réuni mon peuple autour de la musique. Maintenant, je veux le réunir autour du drapeau d’Haïti », s’enflamme-t-il.

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