La compétitivité avec les métiers du monde
Les filières identifiées en 2005 par le plan de développement industriel pour attirer les IDE se sont épanouies, avec plus ou moins de succès. État des lieux et nouvelles orientations.
Investir au Maroc pour investir en Afrique
Le 21 décembre 2005, le Maroc présentait son plan Émergence, destiné à renforcer l’industrie dans une économie trop dépendante du secteur agricole et des exportations à faible valeur ajoutée. Concocté avec le cabinet McKinsey, le plan ciblait quatre nouveaux « métiers mondiaux » à développer : l’aéronautique, l’automobile, l’électronique et l’offshoring de services.
Cinq ans plus tard, la machine est en marche, mais la route est encore longue. Les investissements dans les secteurs électronique, automobile et aéronautique sont passés, entre 2004 et 2008, de 550 millions à 2,2 milliards de DH (de 49 millions à 195 millions d’euros), mais leur traduction en termes de création d’emplois est lente. Seuls l’offshoring et l’automobile ont eu un fort impact (20 000 emplois créés pour le premier, 17 000 pour le second), l’électronique et l’aéronautique ne représentant encore respectivement que 5 000 et 8 000 emplois.
Transformé début 2009 en Pacte national pour l’émergence industrielle, le plan marocain garde les mêmes orientations… et de grandes ambitions. Il reste concentré sur les « métiers mondiaux du Maroc » (MMM), où le pays présente des avantages compétitifs, et qui se déclinent en deux catégories : les métiers traditionnels (textile-cuir et agroalimentaire) et les nouveaux métiers orientés vers les investissements directs étrangers (IDE) – électronique, automobile, aéronautique, offshoring –, qui bénéficieront de la création de 22 plateformes régionales intégrées (P2I) pour accueillir les investisseurs. Le ministre de l’Industrie, Ahmed Reda Chami, compte, d’ici à 2015, drainer 220 000 emplois directs et 4,4 milliards d’euros d’investissements.
Aéronautique : une concentration d’experts
L’association de la Royal Air Maroc avec le motoriste Snecma, en 2000, pour la création du centre international de maintenance de Casablanca a fait des petits. « Aujourd’hui, nous offrons une large palette de métiers : production de pièces d’avion, traitement de surfaces, mécatronique, maintenance, mais aussi ingénierie et recherche », se félicite Hamid Benbrahim El-Andaloussi, président du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (Gimas).
Situé près de l’aéroport international de Casablanca, l’aéropôle de Nouasseur rassemble une centaine d’entreprises, dont Zodiac Aerospace, Baer, EADS ou Safran (qui a installé quatre sites industriels et filiales au Maroc : Aircelle, Safran Engineering Services et Sagem Sécurité à Casa, et Labinal près de Rabat). « Nous sommes mondialement reconnus sur des niches technologiques comme le câblage moteur.
Autre succès, Aircelle fabrique des inverseurs de poussée pour l’ensemble des usines Airbus dans le monde », précise le président du Gimas. Selon lui, le Maroc peut être serein face à la concurrence : « Un équipementier aéronautique fait de l’artisanat high-tech, il doit être proche du constructeur. Notre proximité avec l’Europe nous permet de résister aux Asiatiques. Quant aux Européens de l’Est, nous sommes plus compétitifs qu’eux sur les coûts. » Cependant, si le tissu industriel aéronautique s’est étoffé, il reste entre les mains de groupes étrangers. Peu de sociétés à capitaux marocains se sont lancées dans le secteur.*
Automobile : un attendant Renault
Longtemps différé, le démarrage, début 2012, de l’usine Renault à Tanger, qui doit produire 400 000 véhicules à l’horizon 2015, permettra de renforcer un secteur automobile jusqu’alors restreint à la petite usine d’assemblage de la Somaca (25 000 véhicules assemblés en 2009) et à quelques équipementiers comme Valeo et Yazaki.
En prévision de l’ouverture de Renault Tanger, le câblier Nexans, le fabricant de pare-brise Induver ou encore Ifriquia Plastic ont déjà commencé à étendre leurs outils industriels à Casablanca. Située à proximité de la future usine Renault, la Tanger Automotive City sera bientôt prête à accueillir d’autres sociétés. Mais Renault est encore bien seul : Nissan n’a toujours pas confirmé qu’il investirait également à Tanger ; quant à PSA, il a préféré l’Espagne.
Les équipementiers marocains restent optimistes : « Le dynamisme du marché intérieur et la position idéale pour l’exportation finiront par convaincre. Quand Renault Tanger aura fait ses preuves, d’autres constructeurs se laisseront tenter », estime Karim Bennis, directeur général de Nexans Maroc.
Électronique : la crise est mal passée
En 2005, le Maroc disposait d’une industrie électrique dynamique, mais de peu d’électroniciens, à l’exception des filiales de groupes européens comme STMicroelectronics et OB. Depuis, la mutation des électriciens marocains vers l’électronique ne s’est pas encore opérée et, à l’exception de l’américain Minco, peu d’étrangers sont venus. En cause : la crise, qui a lourdement frappé le secteur et freiné les investissements, mais aussi les hésitations sur les segments à développer.
« Nous ne voulons pas faire du “copier-coller” comme les Chinois, explique Youssef Tagmouti, président de la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique (Fenelec). Il nous faut inventer des produits spécifiques pour l’Afrique ou trouver des créneaux à haute valeur ajoutée, sinon nous serons vulnérables à la concurrence internationale. »
Offshoring de services : priorité à la formation
Casanearshore est en passe de réussir son pari. Grands groupes internationaux comme Dell, Capgemini et Logica, centres de services de grandes banques ou encore SSII marocaines, comme Outsourcia et Omnishore, tous ont opté pour les locaux modernes et connectés de cette zone dédiée à l’offshoring.
Cependant, l’essor de l’offre marocaine de services délocalisés, qui fait la part belle aux centres d’appels (88 % des emplois du secteur) est encore fragile. « Compétitif pour les centres d’appels francophones, le pays est moins attrayant pour le développement informatique. L’encadrement et les spécialistes pointus sont difficiles à trouver et plus chers qu’en Europe de l’Est, estime Frédéric Lasnier, blogueur et patron d’une entreprise française d’offshoring opérant en Roumanie et au Vietnam. Du coup, les entreprises étrangères opèrent au Maroc avec des cadres expatriés, ce qui alourdit les coûts. » Conscient de cette faiblesse, le pays cherche à attirer des investissements dans des métiers à plus haute valeur ajoutée, notamment la programmation et l’intégration de systèmes, tout en poursuivant son effort de formation pour limiter l’inflation des salaires.
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