Référendum de la honte

Un étranger reconnu coupable d’un crime, voire d’un simple délit, doit-il être expulsé après avoir purgé sa peine ? Oui, ont répondu 52,9 % des électeurs.

Affiche de l’UDC (extrême droite) appelant à voter pour le renvoi des délinquants étrangers. © AFP

Affiche de l’UDC (extrême droite) appelant à voter pour le renvoi des délinquants étrangers. © AFP

ProfilAuteur_JeanMichelAubriet

Publié le 17 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Un an après avoir obtenu l’interdiction des minarets, l’Union démocratique du centre (UDC), le parti de la droite nationaliste, populiste et xénophobe, récidive. Au terme d’un référendum d’initiative populaire organisé à sa demande, les électeurs suisses ont approuvé à une nette majorité (52,9 %) sa proposition d’inscrire dans la Constitution le principe du retrait de son titre de séjour à tout étranger reconnu coupable de crime – meurtre, viol, traite d’êtres humains, trafic de drogue, etc. –, mais aussi de simples délits comme l’abus d’aide sociale. Après avoir purgé sa peine, l’intéressé sera donc ipso facto expulsé, sans aucune possibilité de recours, et interdit de séjour sur le territoire de la Confédération pour une durée comprise entre cinq et quinze ans.

Un projet concurrent présenté par les centristes et une partie des socialistes – sorte d’ersatz reprenant l’essentiel des propositions de l’UDC, en s’efforçant d’en atténuer les aspects les plus excessifs – a été sèchement rejeté par 54,2 % des votants. Pour détestable qu’il soit, l’original a été préféré à la copie.

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Le Parlement va devoir à présent adopter une loi d’application, ce qui ne s’annonce pas comme une formalité. Car la nouvelle disposition, qui consacre, on l’aura compris, le principe de la double peine (emprisonnement puis expulsion), contrevient au principe de proportionnalité inscrit dans la Constitution suisse, mais aussi aux règles de droit universelles mises en œuvre, par exemple, par la Convention européenne des droits de l’homme ou à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’Union européenne.

C’est dire qu’elle ne sera pas aisément applicable en l’état et qu’elle risque de donner lieu à d’innombrables imbroglios judiciaires.

La population suisse compte plus de 20 % d’étrangers. Un certain nombre d’entre eux n’ont pas choisi de résider dans la Confédération dans l’espoir plus ou moins chimérique d’une vie meilleure, mais pour de très triviales raisons – fiscales notamment. Or la Constitution dûment amendée ne prévoit pas de double peine pour les crimes ou délits financiers. C’est dommage. Expulser un pauvre hère kurde ou afghan, c’est bien. Mais en faire autant avec un mafieux, un trader indélicat ou un baron de la drogue, cela aurait quand même une autre gueule, non ? 

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