La Grande Muette n’est plus polyglotte
Un colonel (wallon) dénonce, chiffres à l’appui, la mainmise des Flamands sur l’armée.
Voilà des mois que la Belgique est plongée dans une crise sans précédent, sur fond de tensions communautaires entre Wallons francophones et Flamands néerlandophones. Depuis les législatives du 13 juin, le gouvernement fédéral se contente de gérer les affaires courantes. Bart De Wever, le grand vainqueur du scrutin, cache à peine sa volonté d’en finir avec le pays si on ne cède pas à ses exigences. Lesquelles reviennent, en définitive, à une partition de facto. Certains, désabusés, estiment que la Belgique n’existe plus que par trois institutions : le roi, la sélection nationale de football et l’armée. Or celle-ci, qui méritait jusqu’à présent son surnom de Grande Muette, vient d’entrer à son tour dans la tourmente communautaire.
Ce sont des déclarations à l’emporte-pièce du colonel Luc Gennart qui ont mis le feu aux poudres – si l’on ose dire. Commandant la base aérienne de Florennes, en Wallonie, celui-ci dénonce en effet la mainmise des Flamands sur l’armée belge. Et cite des chiffres à l’appui de sa thèse.
Ainsi, les cinq « patrons » de l’état-major de la force aérienne belge sont néerlandophones. L’artillerie, bastion wallon depuis la bataille des Ardennes de l’hiver 1944-1945, a été transférée en Flandre. L’état-major de la caserne wallonne de Marche-en-Famenne, est entièrement… flamand. Sur la trentaine de généraux en poste, vingt-trois sont flamands. Par ailleurs, Gennart dit craindre le déplacement des F-16 stationnés sur la base de Florennes, fleuron de l’armée de l’air, vers la Flandre. Il craint qu’in fine la Wallonie n’ait plus d’implantations militaires significatives.
En cas de partition, la Belgique se retrouverait dans la situation du Costa Rica, le seul pays au monde qui ne dispose pas d’une armée. Certains, pacifistes ou écolos, suggèrent qu’elle ne s’en porterait pas plus mal. Quant aux Wallons « rattachistes », qui veulent que leur région rejoigne la France, ils auraient plutôt tendance à se réjouir de cette évolution, qui ne peut qu’arranger leurs affaires en les simplifiant : l’armée belge deviendrait celle de la Flandre et ne s’opposerait donc pas au rattachement à la France du sud du pays.
Réactions passionnées
Les déclarations du colonel Gennart ont provoqué des réactions passionnées, comme c’est toujours le cas quand on aborde la question linguistique en Belgique. Denis Ducarme, député du Mouvement réformateur (centre droit), s’est empressé de lui emboîter le pas. Selon lui, « Pieter De Crem (le ministre de la Défense) est en train de flamandiser la Défense nationale ». Pas moins.
Le commandant en chef de l’armée, le général (francophone) Charles-Henri Delcour, a regretté les propos tenus par le commandant de la base de Florennes. En ce qui concerne la surreprésentation des Flamands dans la haute hiérarchie militaire, qu’il ne nie pas, il a affirmé qu’elle était la conséquence des mauvais résultats des francophones aux tests de… bilinguisme. On n’en sort pas.
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