Tourisme : à quand l’embellie ?
Malgré le volontarisme affiché des autorités, le nombre de visiteurs étrangers n’a toujours pas décollé. Et pas seulement pour des raisons logistiques.
« L’Algérie n’est pas un pays, c’est un continent ! » s’enorgueillissent parfois les Algériens. Des centaines de kilomètres de plages, les vastes étendues du Sahara, un riche patrimoine culturel, la proximité avec l’Europe… : le potentiel touristique du pays est immense. En 2009, on a enregistré 1,9 million de visiteurs, pour 330 millions de dollars de recettes (+ 10 % par rapport à 2008). Mais l’État veut porter ce nombre dans un premier temps à 3 millions, pour 530 millions de dollars de recettes, à l’horizon 2015. Pour ce faire, il a lancé en 2008 un vaste plan de développement.
Gare cependant aux chiffres ! Sur les 2 millions de personnes entrées sur le territoire en 2009, plus de la moitié sont des Algériens expatriés ou binationaux, 300 000 des hommes d’affaires et seulement quelques milliers des touristes étrangers. Beaucoup visitent les vestiges romains ou reviennent, pour les pieds-noirs, sur les lieux de leur enfance. La destination principale reste cependant le Sud, avec ses circuits dans les massifs et le Tassili du Hoggar.
Mais la fréquentation a baissé en 2010, même dans cette région. La recrudescence des enlèvements au Sahara a poussé plusieurs opérateurs français à annuler leurs partenariats avec l’Algérie. On a donc cherché à orienter les visiteurs vers d’autres destinations : Alger, mais aussi des petites villes. Quant aux Algériens, s’ils profitent des plages nationales pour une excursion d’un ou deux jours, ils préfèrent se rendre en Tunisie pour les plus longs séjours.
En décembre 2009, l’Association nationale des économistes algériens avait qualifié le secteur touristique de « marginalisé, voire négligé ». Les effets du plan d’aménagement du ministère du Tourisme, soutenu par des mesures d’incitation fiscale, ne se sont encore guère fait ressentir. Et sa mise en œuvre ne va pas sans couac. Dès 2011, les quelque mille agences de voyages du pays ne jouiront plus d’un agrément illimité et devront renouveler leur licence tous les trois ans. Une annonce qui n’a pas ravi tous les opérateurs…
Handicaps
Les ambitions de l’État se heurtent à plusieurs handicaps, à commencer par la taille du pays. D’Alger, il est aussi coûteux de se rendre à Tamanrasset, à l’extrême sud du pays, qu’à Paris. L’Algérie pâtit aussi d’un très sévère déficit d’infrastructures hôtelières (10 % seulement des 1 200 établissements répondent aux standards internationaux). Dans le Sud, on préfère maintenir des équipements « légers », type campements. Ailleurs, on voit plus grand : l’État a avalisé, au début d’octobre, un projet émirati de 400 millions d’euros pour un village touristique à Moretti, à l’ouest d’Alger.
L’Office national algérien du tourisme (Onat) déplore aussi des lourdeurs administratives « parfois aberrantes ». Le voyageur doit toujours obtenir une invitation de l’opérateur pour demander un visa. « Nous devons faire évoluer les mentalités vis-à-vis du touriste, estime le directeur financier de l’Onat, Abdessalam Sakhri. Dans certaines régions, les gens se sentent agressés par la présence d’étrangers ou, au mieux, s’y montrent indifférents. Il faut un peu de temps pour que tout le monde comprenne l’intérêt que représente le visiteur. »
Autre lacune : le manque de personnel hôtelier qualifié et de guides touristiques. L’École des métiers de l’hôtellerie et du tourisme (EMHT) d’Akbou forme environ soixante-dix jeunes par an. « À l’EMHT, nous avons multiplié par trois nos infrastructures en 2010, et nos jeunes diplômés trouvent facilement du travail, explique le directeur, Farid Akilal. Mais il n’y a que deux instituts pour tout le pays, et les initiatives privées commencent seulement à se développer. Ici, l’hôtellerie est un métier nouveau. » Le tourisme en général, aussi. Une poule aux œufs d’or qui n’a pas fini de couver…
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