Gbagbo choisit l’épreuve de force face à la pression internationale
Sûr de son fait et de ses soutiens intérieurs, Laurent Gbagbo n’a pas cédé. Malgré une intense pression internationale.
Rarement la communauté internationale aura été aussi unanime dans son rejet d’un coup de force électoral. Dès la veille du second tour, les premières difficultés apparaissent. Ce jour-là, le 27 novembre, le facilitateur burkinabè, Blaise Compaoré, vient à Abidjan pour essayer de convaincre Laurent Gbagbo de lever le couvre-feu. Son argument : « En Afghanistan, c’est la guerre. Pourtant, lors des dernières élections, il n’y a pas eu de couvre-feu. »
Le président ivoirien lui promet-il de rapporter la mesure ? En tout cas, quand Blaise Compaoré reprend son avion, il est persuadé que son homologue ivoirien va le faire. Or, rien ne se passe. Le lendemain, jour du vote, le chef de l’État burkinabè essaie de joindre au téléphone Laurent Gbagbo. En vain. Le facilitateur se sent roulé. Le 30 au matin, le président sortant lui envoie son ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, et sa seconde épouse, Nady Bamba, pour tenter de recoller les morceaux.
Washington téléphone
Le 30 novembre au soir, clash en direct à la Commission électorale indépendante (CEI). Le chef de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (Onuci), Choi Young-jin, et les ambassadeurs en poste à Abidjan redoutent une stratégie d’obstruction visant à bloquer la CEI. Dès le lendemain matin, ils se rendent au siège de l’institution dans le quartier de Cocody, à Abidjan, pour encourager son président, Youssouf Bakayoko, à poursuivre sa tâche.
En début d’après-midi, le chef de l’État français, Nicolas Sarkozy, demande par communiqué que « le processus électoral soit conduit à son terme […] sans entraves ». De bonne source, un homme d’affaires français proche du pouvoir ivoirien tente de le persuader de reporter sa déclaration. Sans succès. Paris et Washington se sont-ils partagé les rôles ? Côté américain, le ton est encore plus ferme : « Aucune partie ne devrait être autorisée à faire davantage obstruction au processus électoral. » Le secrétaire d’État adjoint chargé des Affaires africaines, Johnnie Carson, téléphone longuement à Laurent Gbagbo et à Alassane Ouattara.
Le 1er décembre au matin, toujours pas de fumée blanche à la CEI. Comment assurer la sécurité de son président à l’annonce des résultats ? Choi Young-jin écarte l’idée d’une proclamation au siège de l’Onuci. Les Nations unies risquent de sortir de leur mandat. Après de multiples contacts entre le Premier ministre Guillaume Soro, les ambassadeurs et Choi, une solution est trouvée : Youssouf Bakayoko reçoit une escorte armée de 150 Casques bleus pour se rendre jusqu’au Golf Hôtel et y annoncer la victoire d’Alassane Ouattara.
Réactions à l’ONU et à la CPI
Au même moment, à New York, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit en urgence. Au nom du Conseil, l’ambassadrice américaine, Susan Rice, menace de « prendre les mesures appropriées contre ceux qui entravent le processus ». Est-ce un hasard ? À la même heure, à La Haye, la procureure adjointe de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, avertit que son tribunal « surveille » la situation en Côte d’Ivoire.
À Abidjan, la réaction est immédiate. À 20 heures, le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao-N’Dré, déclare : « Aucune organisation internationale, ni l’ONU ni aucune autre, n’est habilitée à donner les résultats de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. » Quelques minutes plus tard, toutes les frontières du pays sont fermées. Même les avions et les hélicoptères de l’Onuci ne peuvent plus décoller. Plusieurs ambassadeurs tentent d’approcher Laurent Gbagbo. En vain.
« Il s’est enfermé dans sa bulle », dit un observateur sur place. Le lendemain, 3 décembre, le Conseil constitutionnel inverse les résultats au bénéfice de Laurent Gbagbo. Quelques minutes plus tard, Choi Young-jin jette un pavé dans la mare : « Les résultats annoncés le 2 par la CEI ne changent pas, ce qui confirme que le candidat Alassane Ouattara a remporté le scrutin. »
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