Au bord du gouffre

Ouattara – Gbagbo : depuis le 28 novembre, la Côte d’Ivoire compte un président de trop. © AFP

Ouattara – Gbagbo : depuis le 28 novembre, la Côte d’Ivoire compte un président de trop. © AFP

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 6 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.

À l’heure où le dernier numéro de Jeune Afrique allait sous presse, le vendredi 3 décembre en début de soirée, la Côte d’Ivoire avait d’ores et déjà raté son rendez-vous avec l’Histoire. Le scénario idyllique d’une présidentielle transparente à l’issue de laquelle le vaincu féliciterait le vainqueur a cédé la place à une nouvelle élection « calamiteuse » (un qualificatif déjà utilisé pour la précédente et auquel Laurent Gbagbo semble être abonné), débouchant sur ce qu’il faut bien appeler un coup d’État constitutionnel. Sauf à accuser de cécité volontaire la quasi-totalité des observateurs étrangers, sauf à accréditer l’existence d’un vaste complot international acharné à installer Alassane Ouattara, on voit mal en effet comment Laurent Gbagbo pourrait faire accepter au monde son maintien à la tête de l’État dans de telles conditions. Un pouvoir d’exception, bunkérisé et assis sur des baïonnettes, un pays coupé en deux et dressé contre lui-même, une Côte d’Ivoire sortant des limbes pour mieux se plonger dans le chaos: dites-nous que ce n’est pas vrai et que le pire, parfois, n’est pas sûr…

De cette élection du 28 novembre à l’issue de laquelle, paradoxalement, c’est le pouvoir en place qui crie à la fraude (signe que cette dernière s’est tout simplement démocratisée), on me permettra de tirer quelques conclusions singulières :

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– C’est le candidat le plus ouvert vers l’extérieur, le plus « mondialisé » et le plus soutenu hors du pays – Ouattara – qui a le plus joué sur le vote ethnique et les réflexes traditionnels, lesquels demeurent à l’évidence déterminants. Alors que le candidat apparemment le plus nationaliste et « ivoiriste » – Laurent Gbagbo – a, lui, tablé sur la carte du vote moderne intercommunautaire, mais hélas pour lui encore minoritaire.

– Les huit sondages TNS-Sofres commandés par Laurent Gbagbo et qui pronostiquaient un très mauvais report des voix de l’électorat d’Henri Konan Bédié sur Alassane Ouattara au second tour (voire l’élimination de celui-ci dès le premier) ont en définitive profité à l’adversaire du président sortant. Certes, les mauvaises campagnes de Bédié, puis de Gbagbo, ont aussi joué en leur défaveur, mais ce dernier s’est clairement laissé endormir par les bons résultats. Plus que jamais, la question de l’adaptation de ce type d’enquêtes d’opinion aux réalités du continent se pose.

– La plupart des observateurs pensaient que la Côte d’Ivoire n’était pas encore prête à élire un président musulman. Les résultats proclamés par la Commission électorale indépendante semblent démontrer le contraire. À l’échelle du pays, ce serait là un tournant aussi historique que l’élection d’un Noir à la Maison Blanche.

– Il y a, sur le continent, deux listes de chefs d’État. Ceux qui acceptent la défaite et l’alternance – la liste est longue: Diouf, Kérékou, Soglo, Sassou Nguesso, Kaunda, Chiluba, Banda, Kolingb…– et ceux qui la contestent et s’y refusent – la liste est courte: Mugabe, Kibaki. Laurent Gbagbo est historien. Il est donc bien placé pour savoir quelle est la bonne et quelle est la mauvaise.

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