Surtout, ne m’analyse pas !

Fouad Laroui © DR

Publié le 15 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.

C’est une première en Belgique et peut-être dans le monde : le dirigeant nationaliste flamand Bart De Wever, grand vainqueur des dernières élections législatives, a introduit une plainte auprès de l’ordre des médecins contre un psychiatre, Jean-Yves Hayez, qui s’était permis de faire de lui un portrait psychologique. Rien de bien méchant, d’ailleurs. Pour faire image, Hayez avait parlé d’« enfant-roi », ce qui est un diagnostic comme un autre. L’enfant-roi – allons, vous en connaissez autour de vous – c’est l’infernal bambin qui pique des crises de nerfs quand il n’obtient pas immédiatement ce qu’il réclame, qui croit que le monde est à ses pieds et qui interdit qu’on touche à ses jouets – lui-même ayant, bien sûr, le droit de s’emparer de ceux des autres.

« Il est clair que De Wever aime que les francophones le détestent. Il ne veut pas être compris par eux : il veut se faire détester par eux, ce qui révèle sa volonté de puissance », avait déclaré le psychiatre chevronné au journal La Dernière Heure.

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D’accord, on pourrait objecter que faire un diagnostic à distance, sans avoir mis le patient sur un sofa et sans l’avoir écouté pendant des années en faisant mmm… mmm…, est un peu bizarre. Mais pas tant que ça, au fond. Les hommes politiques parlent, éructent, se répandent dans les médias, font des discours dès qu’ils aperçoivent l’ombre d’un micro… Les psys ont de la matière ! Ils ne sont d’ailleurs pas gênés pour analyser Staline, Hitler ou de Gaulle et ils ont même remonté le temps pour croquer Louis XIV et Napoléon.

Bart De Wever estime que Jean-Yves Hayez est allé trop loin et a déclaré à un magazine que certaines frontières ne pouvaient être franchies. Là, permettez-moi d’usurper la noble profession de psy pour noter qu’un De Wever, farouche ennemi de toute forme d’immigration, a un problème évident avec les frontières. Celles-ci, à commencer par celle qui entoure sa petite cervelle, doivent être infranchissables. Au fond, ce que reproche notre nationaliste au bon docteur, c’est que celui-ci a immigré clandestinement dans sa tête…

Cela dit, point n’est besoin d’être psychiatre pour cerner la personnalité des populistes de tout poil qui sévissent en Europe depuis quelques années. Pim Fortuyn, qui avait failli devenir Premier ministre des Pays-Bas avant qu’un écolo ne l’assassine, était d’un narcissisme insupportable – il était entièrement dans l’image (la sienne), s’habillait comme un dandy, roulait en Bentley avec chauffeur, etc.

Pour en revenir à De Wever, tous ceux qui l’observent ne peuvent qu’arriver à cette conclusion : cet homme-là se croit seul à détenir la vérité, il veut imposer ses propres vues au reste du monde, il met à tout instant ses idées personnelles en avant. Bref, lui aussi est d’un narcissisme effarant. Qu’il porte plainte contre un psychiatre qui a tenté de cerner son caractère est assez normal, au fond : le fada ne peut pas reconnaître qu’il est fada, c’est même la marque la plus probante de cette regrettable maladie. L’ordre des médecins aura beau jeu de répliquer à De Wever : « Monsieur, en venant nous déranger pour si peu, vous avez prouvé que vous êtes bien l’enfant-roi que notre estimé collègue a vu en vous. » Et toc ! comme disent les enfants, ou « eh, toqué ! » comme disent les adultes… 

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