Festival de Marrakech : la guerre des étoiles
Depuis dix ans, le Maroc se bat pour attirer toujours plus de stars. Et pour offrir une sélection de films en lice pour l’Étoile d’or dignes des plus grands festivals. Une ambition qui reste à confirmer.
Du 3 au 11 décembre prochain, le Festival international du film de Marrakech (FIFM) fêtera son dixième anniversaire. Le moment, assurément, de faire le bilan d’une manifestation qui, dès son lancement, affichait une énorme ambition. Celle de s’imposer en l’espace de quelques années comme l’un des grands rendez-vous internationaux dédiés au septième art, ayant vocation de « jouer dans la cour des grands », selon le souhait de son premier organisateur, Daniel Toscan du Plantier. En clair, il était question, sinon de rivaliser un jour prochain avec Cannes ou la Mostra de Venise, au moins de se comparer avantageusement avec tous les autres rendez-vous importants de la planète cinéma.
Sigourney Weaver, l’héroïne américaine de la série des Alien et du dernier triomphe mondial Avatar, comme présidente, entourée notamment des célèbres actrices palestinienne et française Hiam Abbass et Emmanuelle Seigner ainsi que des réalisateurs Xavier Beauvois (Grand Prix du dernier Festival de Cannes pour Des hommes et des dieux), Marjane Satrapi (l’auteure iranienne de Persepolis) et du jeune cinéaste marocain prometteur Adil Fadili… Voilà d’ailleurs, à peu de chose près, un jury qui pourrait officier sur la Croisette ou sur le bord de la lagune dans la Cité des Doges. Or, en cette année 2010 à Marrakech, ils composeront le jury chargé d’attribuer le prix du meilleur court-métrage réalisé par un élève des écoles marocaines de cinéma. Un prix créé cette année à l’initiative du prince Moulay Rachid !
Voilà qui démontre, si nécessaire, que le FIFM entend toujours, après dix ans d’existence, s’affirmer comme un événement qui compte au niveau mondial. D’autant que le jury principal, celui de la compétition pour obtenir l’Étoile d’or de Marrakech, sera encore plus prestigieux, avec notamment, autour de son président américain, John Malkovich, les célèbres actrices Yousra (Égypte) et Maggie Cheung (Hong Kong) ou les réalisateurs Benoît Jacquot (France) et Faouzi Bensaïdi (Maroc).
Master class
Côté stars, sachant qu’on en attend davantage pour fouler le tapis rouge du Palais des congrès abritant le festival, à commencer par Charlotte Rampling, James Caan, Keanu Reeves ou Harvey Keitel, le contrat est assurément rempli. Surtout que, à côté des acteurs vedettes, et comme pour les éditions précédentes, des réalisateurs de tout premier plan viendront proposer une master class (cette année, excusez du peu, Francis Ford Coppola, les frères Dardenne et Lee Chang-dong), recevoir des hommages (comme le recordman du box-office marocain Mohamed Abderrahman Tazi) ou soutenir de leur présence une manifestation à laquelle ils sont attachés. On attend notamment Milos Forman, Alan Parker ou Volker Schlöndorff, tous anciens présidents du jury. Et de très nombreuses personnalités viendront de France, puisque la rétrospective de cette édition sera consacrée au cinéma du dernier quart de siècle dans l’Hexagone.
Mais pourquoi, alors, malgré l’énorme couverture médiatique que lui vaut ce formidable casting (400 journalistes présents en 2009, un plus grand nombre attendu en 2010), sans compter l’immense succès public des projections en plein air organisées sur la mythique place Jemaa el-Fna, a-t-on cette impression que le festival n’a qu’à moitié réussi sa percée ? Pour plusieurs raisons. D’abord, sans doute, parce que le cœur de tout festival est sa section des films en compétition. Et à cet égard, malgré l’indéniable qualité des sélections et des longs-métrages primés depuis quelques années, peu de films ou de réalisateurs de premier plan – mis à part quelques-uns comme le cinéaste américain Alexander Payne avec le truculent Sideways ou le Philippin Brillante Mendoza avec l’étonnant Tirador – ont été véritablement découverts sur les écrans de Marrakech. Ce n’est pas faute de rechercher des nouveautés intéressantes, comme le prouve encore cette année la présence en compétition de quinze longs-métrages issus d’autant de pays différents, dont dix premiers films. Mais la concurrence est rude et il faut beaucoup de temps pour s’imposer quand on refuse d’être un simple festival thématique, privilégiant un axe ou une région.
Un marché du film informel
Ensuite parce que les débuts du festival ont été marqués par un malentendu. N’ayant pu se tenir, juste au lendemain des attentats du 11 Septembre et dans une ambiance plombée, que grâce à la volonté tenace des autorités marocaines, en particulier de Mohammed VI, grand amateur de cinéma, la première édition du FIFM a été considérée par beaucoup comme marquant la naissance d’une manifestation culturelle destinée à réconcilier l’Islam et l’Occident, le Nord et le Sud. Ce n’était pas véritablement sa vocation, et si ce défi n’a pas été relevé c’est qu’il n’avait guère de raison de l’être. Enfin, plus important festival à sa création, et, de loin, du continent africain mais aussi du monde arabe, Marrakech fait face aujourd’hui, au moins en apparence, à un rival au Moyen-Orient, avec le très riche festival d’Abou Dhabi.
Alors, comment évaluer le parcours du FIFM au bout de dix ans d’existence ? « Il ne faut pas comparer ce qui n’est pas comparable, explique non sans raison le vice-président délégué du festival, Noureddine Saïl. Marrakech n’est évidemment pas Cannes. Et ne vise pas un objectif de pure notoriété comme Abou Dhabi, dépourvu de tout lien historique, économique, artistique ou culturel avec le cinéma. L’objectif numéro un de Marrakech, c’est de servir le Maroc, terre de cinéma. Un pays qui a développé une véritable industrie cinématographique nationale, en pleine expansion, qui abrite quantité de tournages étrangers apportant des devises, et utilisant régulièrement des professionnels marocains, dans ses paysages comme dans ses studios. À cet égard, la réussite est déjà incontestable et va se poursuivre. »
Désormais, et avant tout, vitrine et outil de promotion du septième art au Maroc, le FIFM fait des heureux. À commencer par les cinéastes du royaume. Notamment Nour-Eddine Lakhmari, l’auteur de Casanegra, qui juge déjà que c’est un lieu de contacts « incontournable », puisqu’il permet de « rencontrer de grands noms du cinéma » et même parfois de trouver un producteur, comme ce fut son cas en 2009. Ou Ahmed Boulane, réalisateur des Anges de Satan, pour qui Marrakech, « ce souk du cinéma, est déjà une sorte de marché du film même s’il n’est encore qu’informel ».
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