Afrique, préservatifs, Islam : ce que le pape a vraiment dit

Extraits de « Lumière du monde. Le pape, l’Église et les signes des temps », le livre d’entretien de Benoît XVI.

Publié le 2 décembre 2010 Lecture : 4 minutes.

Sur l’Afrique

Pensons à ce que l’Église signifie pour l’Afrique. Là-bas, elle est souvent le seul point fixe et stable dans les troubles et les destructions des guerres, le seul refuge où il y a encore de l’humanité ; où l’on fait quelque chose pour les êtres humains. Elle s’emploie à prolonger la vie, à soigner les malades, à faire que des enfants puissent venir au monde et être élevés. Elle est une force de vie qui crée à nouveau de l’enthousiasme et ouvre ensuite de nouveaux chemins.

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Sur le préservatif

Dans la presse, [mon] voyage en Afrique [en mars 2009] a été totalement éclipsé par une seule et unique phrase. On m’avait demandé pourquoi l’Église catholique défend à propos du sida une position irréaliste et inefficace. Je me suis vraiment senti provoqué. En réalité, l’Église en fait plus que tous les autres sur cette question. Sur ce point, je persiste et je signe. Parce qu’elle est la seule institution à se tenir concrètement tout près des hommes, en faisant de la prévention, en éduquant, en aidant, en conseillant, en accompagnant. Parce qu’elle traite comme personne ne le fait tant de malades du sida, et en particulier tant d’enfants atteints par cette maladie. J’ai pu visiter l’un de ces centres de soins et parler aux malades.

C’était cela, la réponse. L’Église en fait plus que les autres parce qu’elle ne se contente pas de faire des discours dans les journaux, mais aide les sœurs et les frères sur le terrain. À cette occasion, je n’ai pas pris position d’une manière générale sur le problème du préservatif, j’avais juste dit, et cela a fait beaucoup de vagues, que l’on ne peut pas résoudre le problème en distribuant des préservatifs. Il faut faire beaucoup plus. Nous devons être proches des gens, les guider, les aider ; et ce aussi bien avant qu’après l’irruption de la maladie.

C’est un fait : partout où quelqu’un veut avoir des préservatifs, il en a à sa disposition. Mais cela seul ne résout pas la question. Il faut plus que cela. Depuis peu s’est développée, y compris dans les milieux laïcs, ce que l’on a appelé la théorie ABC, pour Abstinence-Be faithful-Condom [« abstinence-fidélité-préservatif »], où le préservatif n’est conçu que comme un pis-aller si les deux autres éléments ne fonctionnent pas. Cela signifie que la seule fixation sur le préservatif représente une banalisation de la sexualité. Or cette banalisation est justement à l’origine d’un phénomène dangereux : tant de personnes ne trouvent plus dans la sexualité l’expression de leur amour, mais uniquement une sorte de drogue qu’ils s’administrent eux-mêmes. C’est la raison pour laquelle le combat contre la banalisation de la sexualité est aussi une partie de la lutte menée pour que la sexualité soit vue sous un jour positif, et pour qu’elle puisse exercer son effet bénéfique dans tout ce qui constitue notre humanité.

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Il peut y avoir des cas particuliers, par exemple lorsqu’un prostitué [« une prostituée », dans la version italienne, NDLR] utilise un préservatif, dans la mesure où cela peut être un premier pas vers une moralisation, un premier élément de responsabilité permettant de développer à nouveau une conscience du fait que tout n’est pas permis et que l’on ne peut pas faire tout ce que l’on veut. Mais ce n’est pas la véritable manière de répondre au mal que constitue l’infection par le virus VIH. La bonne réponse réside forcément dans l’humanisation de la sexualité.

[…]

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[L’Église catholique] ne […] considère naturellement pas [l’utilisation de préservatifs] comme une solution véritable et morale. Dans l’un ou l’autre cas, cependant, dans l’intention de réduire le risque de contamination, l’utilisation d’un préservatif peut cependant constituer un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement, une sexualité plus humaine.

Sur l’Islam, les mosquées et la burqa

Les chrétiens sont tolérants, pour eux chacun est responsable de la conception qu’il se fait de lui-même. Nous sommes reconnaissants qu’il y ait dans les pays du Golfe arabique (Qatar, Abou Dhabi, Dubaï, Koweït) des églises où les chrétiens peuvent célébrer l’office divin, et nous souhaitons qu’il en soit partout ainsi. Il est donc tout naturel que les musulmans puissent chez nous aussi se rassembler dans des mosquées pour la prière.

En ce qui concerne la burqa, je ne vois aucune raison de prononcer une interdiction générale. On dit que certaines femmes ne la porteraient pas de leur plein gré et qu’elle est en réalité une violence faite à la femme. Si tel est le cas, bien entendu, on ne peut pas être d’accord. Mais si elles veulent la porter de leur plein gré, je ne vois pas pourquoi on doit la leur interdire.

[…]

Il existe des manières très différentes de vivre l’islam, en fonction de ses traditions historiques, de son origine et du pouvoir dont il dispose. En Afrique noire, il y a, nous l’avons dit, au moins pour de larges parts, une tradition de coexistence qui est très réjouissante. Le changement de religion y est possible et les enfants d’un père musulman peuvent devenir chrétiens. Il y a ici un rapprochement dans la compréhension fondamentale de la liberté et de la vérité, et ce rapprochement ne perturbe pas l’intensité de la foi.

[…]

Dans de grandes parties de l’Afrique noire, il existe depuis longtemps une bonne coexistence marquée par la tolérance entre islam et christianisme. Lorsque je reçois des évêques en provenance de ces pays, ils me racontent que célébrer leurs fêtes ensemble est une vieille habitude. Ailleurs, les relations sont encore marquées par l’intolérance et l’agression. Les situations historiques sont encore aujourd’hui très différentes. Nous devons en tout cas essayer de vivre ce que notre foi a de grand et d’en donner une image vivante, mais aussi de comprendre l’héritage des autres. L’important, c’est de trouver ce que nous avons de commun et de servir ensemble dans ce monde, là où c’est possible.

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