Le pape Benoît XVI entrouvre la porte

Rôle du préservatif dans la lutte contre le sida, singulièrement en Afrique subsaharienne, construction de mosquées en Occident, port de la burqa… Dans Lumière du monde, un livre d’entretiens avec un journaliste allemand, le pape aborde de manière nouvelle un certain nombre de sujets de société.

À la cathédrale Saint-Jacques-de-Compostelle, le 6 novembre. © Stefano Rellandini/Reuters

À la cathédrale Saint-Jacques-de-Compostelle, le 6 novembre. © Stefano Rellandini/Reuters

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Publié le 2 décembre 2010 Lecture : 4 minutes.

Depuis son élection, en 2005, le successeur de Jean-Paul II a souvent été au cœur de controverses. Ses prises de position sur différents sujets de société ont conduit nombre d’observateurs à le considérer comme un pape ultraconservateur. Qu’il s’agisse du mariage des prêtres, de la pédophilie au sein de l’Église ou de la lutte contre le sida, il a toujours jusqu’ici donné l’impression d’aller à contre-courant de l’évolution du monde. Bien entendu, le rôle de Benoît XVI n’est pas de saborder la doctrine catholique. Mais, dans Lumière du monde, le livre d’entretiens avec le journaliste allemand Peter Seewald qui sort en France le 3 décembre, il apparaît sous un jour indiscutablement nouveau. Le point qui retient le plus l’attention concerne le sida. Ou, plutôt, l’usage du préservatif comme moyen de prévention. Il est le premier pape à aborder la question – et même à prononcer le mot. Et, a fortiori, le premier à accepter, dans certains cas, l’usage du préservatif. Même Jean-Paul II, qui passait pour davantage en phase avec les réalités du monde contemporain, n’était pas allé aussi loin.

Mais que dit exactement Benoît XVI ? En mars 2009, lors de son périple africain, il s’était rendu au Cameroun. Parlant aux fidèles, il avait recommandé le respect de la doctrine chrétienne, qui prône l’abstinence et la fidélité comme uniques armes de lutte contre le sida. Jugés irréalistes et inadaptés, surtout dans un continent touché de plein fouet par la pandémie, ces propos avaient provoqué un tollé… qui n’a pas laissé indifférent le souverain pontife. À preuve, il rectifie aujourd’hui le tir. Tout en prenant acte de l’usage désormais généralisé et de la disponibilité du préservatif, il reste néanmoins convaincu que « cela ne résout pas la question [du sida, NDLR] » et que « la seule fixation sur le préservatif représente une banalisation de la sexualité ».

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Révolution ?

Plus explicitement, Benoît XVI, conformément à la doctrine de l’Église, ne considère pas le recours au préservatif comme « une solution véritable et morale », mais il l’accepte « dans le but de réduire le risque de contamination » et en tant que « premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement ».

Le discours papal a été interprété de manière très diverse. Certains y voient une révolution ; d’autres, une simple inflexion. Chargé de la communication au Vatican, le père Federico Lombardi a dû, le 21 novembre, se fendre d’une mise au point : « En refusant l’illusion que constitue la confiance aveugle dans le préservatif, [le pape] propose une vision globale et clairvoyante, attentive aux premiers pas, encore confus, d’une humanité spirituellement et culturellement pauvre vers un exercice plus humain et responsable de la sexualité. » Certains évêques, notamment l’Ougandais John Katende, estiment au contraire que « la pensée du pape n’est pas toujours facile à saisir » et que « certaines personnes ont mal compris son message ». Lequel, on s’en doutait, ne constitue nullement un « encouragement à la fornication ».

Lumière du monde est aussi pour le pape l’occasion de revenir sur un sujet qui, en septembre 2006, avait suscité la polémique : son discours de Ratisbonne sur l’islam. S’adressant à un parterre d’universitaires, il avait semblé reprendre à son compte les propos d’un empereur byzantin du Moyen Âge, Manuel II Paléologue. Les musulmans y avaient vu une véritable agression contre leur foi. Le pape confirme aujourd’hui que telle n’était pas son intention. « J’avais conçu ce discours comme un texte strictement académique, sans être conscient que la lecture que l’on fait d’un discours pontifical n’est pas académique, mais politique. » Il se réjouit de constater que, après la tempête, des responsables musulmans sont revenus vers lui afin de renouer les fils du dialogue.

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Un « choc inouï »

Quant aux nombreuses affaires de pédophilie qui ont secoué l’Église ces derniers temps, Benoît XVI jure qu’il a été pris totalement au dépourvu. Ce fut, dit-il, un « choc inouï ». Si toutes ces affaires ont pris une telle ampleur c’est, il le reconnaît, parce que l’Église a très mal communiqué. Mais il ne voit pas trace d’un quelconque complot. Ni ne rend la presse, qui a révélé la plupart des abus commis sur des enfants, responsable de quoi que soit. Réaliste, il estime simplement que « c’est parce que le mal était dans l’Église que d’autres ont pu s’en servir contre elle ». Désormais, face à de telles tragédies, le pape ne voit qu’une solution : la collaboration entre le Vatican et les autorités judiciaires des pays où des prêtres seront mis en cause.

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L’esprit de Vatican II

En revanche, sur le mariage des prêtres, l’ordination des hommes mariés ou des femmes, le problème des personnes divorcées puis remariées, ou encore la contraception, le pape n’envisage aucun changement et reste fidèle à l’esprit du concile Vatican II. Il ne croit pas davantage à une réforme des institutions religieuses ni à un quelconque bouleversement imposé par des activistes, de quelque bord qu’ils viennent. Une phrase résume peut-être sa pensée sur ce point : « Nombre de problèmes doivent être résolus, mais aucun ne le sera si Dieu n’est pas au cœur et ne redevient pas visible dans le monde. »

Faire en sorte que le chrétien revienne à Dieu et le place au centre de sa vie, tout en s’ouvrant aux autres hommes, telle est en substance l’objectif de Benoît XVI dans ce livre.

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