Trafic d’armes : la cargaison mystère

Des conteneurs d’armes saisis au Nigeria et c’est l’émoi dans toute la sous-région : venus d’Iran, ils étaient destinés à Banjul. Le Sénégal se sent menacé.

La cargaison à destination de la Gambie contenait des grenades et des lance-roquettes. © AFP

La cargaison à destination de la Gambie contenait des grenades et des lance-roquettes. © AFP

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Publié le 2 décembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Étrange affaire que celle qui, depuis quelques semaines, occupe tout à la fois Dakar, Banjul et Téhéran. Mais elle est suffisamment sérieuse pour que la Gambie décide, le 22 novembre, de rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran et donne aux représentants de la République islamique quarante-huit heures pour quitter son territoire. Suffisamment sérieuse aussi pour que la présidence sénégalaise annonce, dans un communiqué publié le lendemain, qu’elle avait dépêché à Lagos son ministre des Affaires étrangères, Madické Niang.

Tout commence le 21 octobre. Ce jour-là, les autorités portuaires nigérianes découvrent dans une dizaine de conteneurs déchargés à Lagos des armes, des lance-roquettes et des grenades en provenance d’Iran. Le Nigeria s’inquiète, commence par craindre que la cargaison ait pu être destinée aux rebelles séparatistes du Delta du Niger et informe le Conseil de sécurité des Nations unies. De son côté, le transporteur français CMA CGM, qui a affrété le navire, confirme avoir embarqué le tout dans le port iranien de Bandar Abbas, mais s’empresse de préciser qu’il ne savait pas ce qu’il transportait – la déclaration rédigée par l’expéditeur ne mentionne que des « paquets de laine de verre et [des] palettes de pierre ». Il ajoute que lesdits conteneurs devaient être expédiés vers la Gambie. Et c’est là que Dakar s’en mêle. Car, à en croire le communiqué de la présidence sénégalaise, les conteneurs devaient être directement livrés à la State House Kanilaye, autrement dit le palais du chef de l’État, Yahya Jammeh.

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Difficile d’obtenir une confirmation – ou même un démenti – de Banjul. « Mais, si Dakar réagit vivement, c’est parce que la Gambie se trouve dans l’estomac même du Sénégal. Il n’est jamais bon de voir Banjul s’armer à ce point », analyse le politologue Babacar Justin Ndiaye. « La Gambie est devenue un gros importateur d’armes, confirme un journaliste sénégalais. Une certaine paranoïa règne à la tête de l’État. En plus, Yahya Jammeh est un Diola d’origine casamançaise : il n’hésite pas à s’ingérer dans les affaires de la Casamance et à soutenir une faction contre une autre. »

Reste à comprendre la vivacité de la réaction de Banjul vis-à-vis de Téhéran. Et là, deux hypothèses – à défaut d’explications officielles. « Soit la Gambie ne veut pas être prise la main dans le sac et a trouvé dans la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran une manière de se démarquer de toute cette affaire, explique Babacar Justin Ndiaye. Soit Yahya Jammeh est authentiquement contrarié par la saisie des conteneurs. » Et en tient Téhéran pour responsable. Quoi qu’il en soit, à Dakar, la pilule passe mal. D’autant que, comme la Gambie, le Sénégal entretient traditionnellement de bonnes relations avec l’Iran.

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