Mains libres et poings liés

Entre l’échec d’une mutinerie et la victoire du « oui » au référendum, le président Rajoelina paraît aujourd’hui renforcé. Reste à savoir s’il pourra réellement gouverner.

Publié le 28 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Dans les couloirs d’Ambohitsorohitra, le palais présidentiel, on aime faire montre d’optimisme. « Tout est bien qui finit bien », osait, le 22 novembre, un collaborateur d’Andry Rajoelina, à l’issue d’une quinzaine assez folle au cours de laquelle ont été, dans l’ordre : emprisonnés des opposants ; gagné un référendum ; matée une mutinerie.

Il est vrai que le président de la Haute Autorité de la transition (HAT) s’en sort bien. Le 17 novembre, il aurait pu tout perdre. Ce jour-là, alors que les électeurs malgaches sont appelés à voter pour la première fois depuis la chute de Marc Ravalomanana, en mars 2009, dix-huit officiers annoncent un coup d’État. Au final : une « victoire éclatante » dans les urnes, selon les termes d’Augustin Andriamananoro, le directeur de campagne pour le « oui » à la nouvelle Constitution. Et la preuve que la HAT repose sur des bases solides – en l’occurrence, une armée qui lui est acquise. De nombreuses voix à Tana parlent cependant d’une victoire à la Pyrrhus.

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Les Malgaches devaient se prononcer sur un nouveau texte fondamental. Selon les chiffres quasi définitifs, 74 % d’entre eux ont approuvé le texte. Plus significatif : 53 % des électeurs ont fait le déplacement. « Du jamais vu ici lors d’un référendum ! » s’enorgueillit Andriamananoro. Mais la réputation du régime, déjà ternie par une gestion opaque des fonds publics, en a une nouvelle fois pâti – et pas seulement parce que les règles du jeu ont été modifiées en plein milieu du scrutin. Si les partisans du « non » ont pu faire campagne (sans moyens), ceux qui appelaient au boycott ont été interdits de meeting. Le 11 novembre, au lendemain d’une manifestation qui a mal tourné dans la capitale, une vingtaine d’opposants, parmi lesquels le leader de la mouvance Ravalomanana, Fetison Andrianirina, ont été arrêtés et incarcérés.

Alors que la HAT comptait sur ces bons scores pour faire évoluer leur position, ni la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ni l’Union européenne n’ont reconnu le scrutin. Même Paris, l’un de ses seuls soutiens, s’impatiente – voire s’irrite de certaines décisions « qui donnent des munitions aux radicaux d’en face » et de l’emprise des jusqu’au-boutistes sur Rajoelina. Au Quai d’Orsay, on estime toutefois que, si « on ne peut pas reconnaître le référendum, […] on ne peut pas non plus l’ignorer ». La France a ainsi entrepris une nouvelle démarche auprès de la SADC pour relancer une énième médiation. Elle s’est adressée, en parallèle, à Rajoelina, lui conseillant de réaffirmer qu’il ne briguerait pas la présidence et que soit adoptée une loi d’amnistie pour les événements politiques intervenus entre 2002 et 2009.

Rapport au vitriol

Pour la France, il est urgent de renouer le dialogue, car plus la transition perdure, plus les durs s’imposent, comme le révèle un rapport au vitriol d’International Crisis Group (ICG). La tentative de putsch des généraux, le 17 novembre, ne devrait pas arranger les choses. L’armée a clairement choisi son camp : les 18 officiers n’ont été suivis par aucune troupe, et le gouvernement, dominé par des militaires, semble être à l’abri d’un nouveau coup fourré. Mais la présence, parmi les putschistes, d’anciens collaborateurs de Rajoelina (dont son ex-ministre des Forces armées, le général Noël Rakotonandrasana) a dérouté des compagnons de la première heure. « On ne comprend pas, concède Andriamananoro. Il faut peut-être les écouter, comprendre leurs mobiles. »

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Un ancien membre de la HAT, donc peu enclin à la clémence, croit, lui, savoir ce qui les a poussés à agir : « Depuis quelques mois, nous n’avons plus notre mot à dire. Rajoelina dirige tout en petit comité, complètement isolé par 4 ou 5 conseillers et ministres qui en profitent pour faire leur business. » Aujourd’hui, note ICG, « un petit groupe d’individus court-circuite les mécanismes institutionnels » et favorise « un système clientéliste » dont Rajoelina semble être prisonnier. Mais la balle reste dans son camp.

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