Des bulletins et des ruines

Les électeurs choisissent ce dimanche 28 novembre leur nouveau président et leurs parlementaires. Sur fond d’épidémie de choléra, de slogans antiétrangers et d’exaspération sociale.

Affiches électorales devant les ruines du palais présidentiel. © Sipa

Affiches électorales devant les ruines du palais présidentiel. © Sipa

Publié le 28 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Le futur président haïtien devra avoir les nerfs solides. Ce n’est pas d’un État qu’il héritera, mais d’un champ de ruines traversé d’innombrables tensions. Onze mois après le séisme du 12 janvier, qui fit 250 000 victimes, les Haïtiens vivent dans un stress permanent. Ils sont pourtant appelés à élire, le 28 novembre (le 16 janvier, en cas de second tour), le successeur de René Préval, ainsi que 99 députés et 11 sénateurs.

Les menaces se multiplient. Un nouveau séisme dans la région de Port-au-Prince n’est pas exclu. Un nouvel ouragan non plus, après la tempête Tomas, qui, début novembre, a fait 21 morts, 9 disparus et 25 000 sans-abri. Et puis il y a ce maudit choléra… L’épidémie, qui touche désormais l’ensemble du pays, suscite les plus vives inquiétudes. Le 12 novembre, alors que le dernier bilan faisait état de 796 morts (plus de 1 000 quatre jours plus tard) et de 12 000 hospitalisations, l’ONU a lancé un appel à l’aide d’urgence. Pour contrer la maladie, il lui faut trouver 163,8 millions de dollars (120 millions d’euros) dans les plus brefs délais.

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Dans les camps, « c’est la panique, tout le monde a peur d’être contaminé. La colère gronde et cela pourrait avoir une influence sur le vote des électeurs », témoigne Rosny Desroches, porte-parole de l’Initiative de la société civile, une fédération de plusieurs organisations non politiques.

En attendant, ce sont les quelque dix mille Casques bleus présents sur place qui trinquent. Le 15 novembre, dans le centre du pays, des manifestants s’en sont pris à des soldats népalais de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), accusés par la foule d’être à l’origine de l’épidémie. À Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays, des heurts entre les forces de l’ordre et des manifestants réclamant le départ des Casques bleus ont fait, le même jour, deux morts et une vingtaine de blessés.

La conjonction de l’épidémie, des élections (financées à 80 % par la communauté internationale) et des séquelles du séisme rend la situation « explosive », estime Michel Forst, le représentant des Nations unies sur la question des droits humains en Haïti. La période comprise entre le premier et le second tour (lequel semble inévitable) sera « à très haut risque ». « Le contexte n’est pas idéal, concède Rosny Desroches, mais Préval arrive en fin de mandat, on a besoin d’un président légitime

Quelle participation ?

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Mais le sera-t-il, alors que l’opposition dénonce déjà des fraudes et des tentatives d’intimidation ? Et que le taux de participation risque d’être faible, tant la population semble avoir perdu confiance dans la classe politique ? Lors des sénatoriales de 2009, le taux de participation était de 11 %, contre 63 % lors de la présidentielle de 2006. Le choléra pourrait en outre inciter une partie des électeurs à ne pas se déplacer. Les sondages réalisés par le bureau d’enquête Brides pour le compte des milieux d’affaires pourraient ainsi être démentis.

Pour l’heure, ils placent l’universitaire Mirlande Manigat (70 ans) largement en tête des dix-neuf prétendants avec 30 % des intentions de vote, neuf points devant le candidat du pouvoir, l’ingénieur Jude Célestin (48 ans). Suivent, assez loin, le chanteur Michel Martelly, le notaire Jean-Henry Céant, l’industriel Charles Baker et l’ancien Premier ministre Jacques-Édouard Alexis.

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Populaire dans les classes moyennes, l’élite intellectuelle notamment, et bien implantée dans l’ensemble du pays, Manigat, pourtant piètre oratrice, est donnée gagnante en cas de second tour face à Célestin. Affiches, meetings et spots télé, le dauphin de Préval a pourtant dépensé sans compter au cours de la campagne. Une tactique qui choque ceux qu’il entend séduire : les plus pauvres. « Ils se disent qu’avec tout cet argent il serait possible de les faire sortir des camps », indique Rosny Desroches. Ils sont encore 1 million à y croupir.

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