De Gaza à Laayoune, la photo du scandale
Censée illustrer la violence des forces de sécurité marocaines lors de l’évacuation du camp de Gdeim Izik, la photo diffusée le 11 novembre par l’agence publique espagnole EFE avait en réalité été prise… en Palestine, en 2006. Un scandale au coeur de la guerre des images que se livrent le Maroc et le Front Polisario.
« Quelle est ta source ? » « Internet ! » Cette réponse, qui devrait valoir un zéro pointé dans toute école de journalisme digne de ce nom, est pourtant celle qui a provoqué un nouveau psychodrame dans les relations compliquées entre Rabat et Madrid. Car, après les armes, les espions, les diplomates et les organisations non gouvernementales, l’interminable conflit du Sahara occidental s’est déplacé sur un nouveau front : celui des médias. Alors que Laayoune, la capitale de la province sous administration marocaine, panse ses plaies après l’évacuation musclée du camp de Gdeim Izik, une photo d’enfants blessés a déclenché un début de crise diplomatique entre les deux royaumes. Diffusé le 11 novembre par le service photo de l’agence publique espagnole EFE, ce cliché était censé illustrer la violence des forces de sécurité marocaines. Quelques heures seulement après sa diffusion, la direction de l’agence « annule » le document. Vérification faite, il ne s’agit pas d’enfants sahraouis mais de bambins palestiniens victimes d’un raid de l’armée israélienne, à Gaza, en 2006. Mea culpa d’EFE, qui explique avoir capturé cette image sur le site hispanophone saharathawra.com, favorable aux thèses séparatistes du Polisario, et reconnaît l’avoir diffusée sans vérification.
Le quotidien El Mundo et tous les grands journaux espagnols ont publié la photo choc dans leur édition du 12 novembre. Sans prendre les précautions d’usage. Une incroyable bévue qui a déclenché un début de crise diplomatique entre Rabat et madrid.
© J.A.
Mais le mal est fait, et, délais de bouclage obligent, les principaux quotidiens espagnols (El País, El Mundo, La Vanguardia) ont publié cette photo choc pour dénoncer la brutalité de Rabat dans la gestion du conflit. Le négociateur palestinien Saëb Erekat, présent au Maroc lorsque cette incroyable bévue des médias espagnols a été admise, a dénoncé une « instrumentalisation inacceptable » de la cause palestinienne et un « acte de désinformation destiné à porter atteinte au Maroc ». Le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri, a immédiatement embrayé en dénonçant un « recours systématique à des procédés fallacieux, des techniques ignobles, des manipulations abjectes et des montages immondes ».
La presse écrite et audiovisuelle marocaine, souvent méprisée par son homologue espagnole pour sa présumée complaisance, a également saisi l’occasion de régler ses comptes en tirant plusieurs jours de suite à boulets rouges sur l’« amateurisme » et la « propagande » des journalistes espagnols.
Au cœur de cet embrasement médiatique, l’agence EFE a adopté un profil bas, et sa direction a présenté officiellement « ses excuses » aux autorités marocaines. « Nous sommes vraiment désolés, nous avons commis une grave erreur professionnelle, mais nous démentons toute tentative de manipulation et toute intention de vouloir nuire au Maroc », a expliqué à Jeune Afrique Enrique Rubio, chef du bureau d’EFE à Rabat.
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