Adieu à Vladimir Arseniev
Russe et fin connaisseur du continent, celui que les Bambaras appelaient N’Tji Coulibaly est décédé le 30 octobre.
C’est un des meilleurs spécialistes russes des affaires africaines qui s’est éteint le 30 octobre à Saint-Pétersbourg. Vladimir Romanovitch Arseniev a été foudroyé par une hémorragie cérébrale, tandis qu’il prononçait un petit discours joliment tourné, comme il savait si bien le faire, en hommage à l’un de ses collègues disparu quelques années auparavant.
Pour sa famille bien sûr, pour ses innombrables amis, pour ses élèves et ses disciples, la perte est atroce, mais elle est irréparable aussi pour l’ensemble de la communauté scientifique russe, dans laquelle Vladimir occupait une place tout à fait originale. Bien qu’issu de façon archiclassique du monde universitaire soviétique, Vladimir Arseniev sut mener sa carrière de façon totalement atypique.
À peine sorti de l’université d’État de Leningrad (la ville où il est né en août 1948), il est expédié à Bamako en tant qu’interprète militaire grâce à sa bonne connaissance de la langue française. La coopération entre le Mali et l’Union soviétique est alors à son apogée.
Pour le jeune Arseniev, alors âgé d’à peine 23 ans, l’Afrique est une révélation. Il apprend les langues locales, profite de ses moindres moments de liberté pour partir en brousse et se faire admettre des chefs de village, avec lesquels il noue des liens profonds. Il s’intéresse aux coutumes et traditions, aux contes et légendes, et commence à entasser un bric-à-brac d’objets usuels, d’amulettes, de poteries, de statuettes, qui finira par constituer une prodigieuse collection. Laquelle enrichira, bien des années plus tard, les grands musées russes, dont le musée d’Anthropologie et d’Ethnographie de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), où il est nommé à son retour du Mali, en 1977.
Visiter les salles de ce musée consacrées à l’Afrique avec Vladimir Arseniev pour guide était une expérience inoubliable. Avec cet enthousiasme qui ne l’abandonnait jamais, Vladimir mimait devant les vitrines les artisans au travail, racontait des histoires, en russe et en français, ou chantait en bambara – une langue qu’il maîtrisait parfaitement.
Docteur ès sciences, ethnologue, chercheur, conférencier, enseignant, dessinateur talentueux, chroniqueur dans l’un des principaux quotidiens de Saint-Pétersbourg, membre du conseil Afrique de la fameuse Académie des sciences de Russie, Vladimir Arseniev était aussi membre de divers cercles savants en France, telles l’Académie des sciences d’outre-mer (depuis 1999) et la Société des africanistes (depuis 2004). Mais le titre dont il était le plus fier était celui qui lui avait été accordé au Mali : après de longues années d’initiation, il avait été admis au sein de la caste des chasseurs bambaras, sous le nom de N’Tji Coulibaly.
Ces dernières années, il s’était défait de ses fabuleuses collections d’objets bambaras, dogons, sénoufos ou ashantis pour les confier aux principaux musées de Russie. Mille trois cents pièces sont allées ainsi à la Kunstkamera, deux cents à l’Ermitage et une centaine au musée des Religions : le trésor d’une longue mais trop courte vie, entièrement tournée vers l’Afrique.
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