L’étonnant destin de Zalika Souley
Dans un documentaire passionnant, la Nigérienne Rahmatou Keïta retrace le parcours de la première actrice professionnelle subsaharienne.
Au début des années 2000, Zalika Souley a quitté le Niger, son pays. Elle a émigré on ne sait où pour gagner sa vie comme femme de ménage. Un sacré retournement du destin : dans les années 1960, elle fut la première actrice professionnelle de cinéma en Afrique subsaharienne. C’est son histoire étonnante que raconte dans un documentaire passionnant, Al’lèèssi, une actrice africaine (en salle à Paris le 17 novembre), sa compatriote Rahmatou Keïta.
Quand, en 1966, un voisin lui demande si elle serait prête à tenter l’aventure du cinéma avec une de ses connaissances, le cinéaste en herbe Mustapha Alassane, Zalika Souley, avec l’insouciance de ses 18 ans, dit immédiatement oui. Le septième art, elle ne le connaît pourtant qu’en spectatrice, pour avoir vu dans les salles en plein air de Niamey de nombreux films grand public, presque tous américains. Et pour avoir souvent rêvé de ressembler à leurs héroïnes.
Voilà comment, après un bref essai concluant, et après avoir tout aussi rapidement appris à monter à cheval, la belle débutante se retrouvera en haut de l’affiche du court-métrage Le Retour d’un aventurier. Un western nigérien qui, dit-elle, voulait montrer que « même les Africains pouvaient être des cow-boys comme en Amérique ». Y compris les femmes, puisque, pour ce film, elle doit porter pantalon et chapeau, donc s’habiller « comme les Blanches », afin de donner la réplique à des personnages qui, ne reniant pas leurs modèles, s’appelleront Gary Cooper, Steve McQueen ou… Ronald Reagan.
C’était le début de l’aventure. Suivront bien d’autres films, dont certains deviendront des classiques de l’histoire du cinéma africain comme le documentaire Cabascabo ou le court-métrage Le Wazzou polygame, tous deux d’Oumarou Ganda. Ses rôles la font remarquer. D’autant qu’elle joue des personnages de caractère, très typés. Ce qui lui donne une certaine notoriété mais lui vaut aussi, et pas seulement au sein de sa famille, une mauvaise réputation et bien des contrariétés. Car beaucoup de spectateurs ne font guère la différence entre les personnages qu’on voit à l’écran – une femme infidèle ou une prostituée, par exemple – et la réalité.
Le « printemps » du cinéma nigérien, pionnier de l’industrie cinématographique sur le continent, ne durera pas. Et la généreuse Zalika Souley, qui n’a jamais pensé à préparer l’avenir, se retrouvera vite démunie. Comme les réalisateurs qui l’avaient fait jouer et qui auront de plus en plus de mal à continuer à tourner. Mais le parcours de l’actrice, comme celui du cinéma nigérien, grâce au film de Rahmatou Keïta, ne pourront plus être occultés.
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