Les compagnies du continent en ordre de bataille

Face aux transporteurs internationaux, les compagnies africaines s’organisent à travers des partenariats pour préserver leurs parts de marché et se développer sur les liaisons intercontinentales.

Le trafic africain progressera de 7 % par an au cours des quinze prochaines années. © Simon Maina/AFP

Le trafic africain progressera de 7 % par an au cours des quinze prochaines années. © Simon Maina/AFP

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 24 novembre 2010 Lecture : 5 minutes.

Ciel africain : les compagnies en ordre de bataille
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Ciel africain : les compagnies en ordre de bataille

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Le 1er octobre 2010. Depuis son hub d’Addis-Abeba, la compagnie nationale Ethiopian Airlines jubile. Star Alliance vient de donner son feu vert pour l’ouverture du processus qui devra conduire à son adhésion définitive au plus grand réseau commercial aérien du monde à la mi-2011. Pour fêter l’événement, le transporteur (plus de 100 millions de dollars de profits en 2009) s’est entouré de deux mastodontes du ciel africain : South African Airways (SAA) et Egyptair, déjà membres de ce groupement qui compte 27 compagnies.

Les trois ténors pourraient créer un joint-venture qui prendrait la forme d’une nouvelle compagnie régionale en Afrique centrale. En fait, explique à Jeune Afrique Girma Wake, le patron d’Ethiopian, qui part à la retraite à la fin de cette année : « Ce que nous voulons, c’est aller dans toutes les régions où il n’y a pas de compagnies aériennes et y développer des services appropriés. »

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En somme, Ethiopian Airlines, basé dans l’est du continent, Egyptair dans le nord et SAA dans le sud, veulent, grâce à des filiales régionales, mieux quadriller le ciel africain pour tirer un meilleur profit de la croissance du secteur aérien. Selon les dernières prévisions de l’Association internationale du transport aérien (Iata), le trafic passager devrait augmenter d’environ 7 % par an tout au long des quinze prochaines années.

Selon les experts, deux moteurs alimenteront cette croissance. D’abord, l’industrie pétrolière, qui crée une forte demande de voyages d’affaires avec l’accélération de l’exploration dans des pays comme le Nigeria, le Ghana ou encore le Gabon. Ensuite, la montée d’une classe moyenne africaine dont le besoin de voyager est de plus en plus grand. Ajoutées à ces deux tendances, les marges opérationnelles importantes (15 %, contre 3 % à 5 % en Europe) que les transporteurs peuvent tirer des réseaux africains, en raison des tarifs élevés appliqués, font du continent le parfait relais de croissance dont toutes les compagnies du monde rêvent.

Le choix des alliances

De fait, aucune d’entre elles ne veut rester à l’écart de l’embellie, à commencer par les ténors locaux du secteur. « Le ciel africain doit être dominé par les transporteurs africains », estime le patron d’Ethiopian Airlines, selon qui, pour parvenir à cet objectif, « il n’y a pas d’autre choix que la coopération ». Ainsi, pour accroître leurs parts de marché, ces compagnies s’engagent, à défaut de créer leur propre filiale, dans des alliances et des partenariats locaux, avec pour objectif de dynamiser le trafic à l’intérieur du continent afin de répondre à une demande sans cesse croissante.

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Un exemple : le partenariat entre Ethiopian et Asky Airlines, qui a permis de lancer ce dernier en janvier dernier à Lomé, au Togo. Détenu à 25 % et géré pendant ses cinq premières années par la compagnie éthiopienne, Asky Airlines sillonne l’ouest du continent pour drainer le trafic vers le hub de sa maison mère. « Grâce à Asky, Ethiopian Airlines peut aujourd’hui proposer des vols vers l’Asie et l’Extrême-Orient au départ de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest », analyse un ancien cadre d’Air Afrique.

Près d’un an après la mise en orbite de la compagnie togolaise – qui se veut à vocation régionale –, son principal actionnaire, la compagnie éthiopienne, qui dessert actuellement 37 destinations sur le continent, envisage de renouveler l’expérience en Afrique centrale. D’abord porté discrètement par Ethiopian, ce projet devra finalement être mené en partenariat avec Egyptair et South African Airways.

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La forme que prendra la coentreprise et le pays qui devrait en accueillir le siège sont en discussion. À côté de ce projet, SAA, premier transporteur africain, avec un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards de dollars, est partenaire et actionnaire à hauteur de 40 % du projet de la compagnie régionale Air Cemac. Depuis la décision des chefs d’État d’Afrique centrale, en janvier, d’en fixer le siège à Brazzaville (Congo), le décollage se fait toujours attendre.

Améliorer le service

Dans la partie septentrionale du continent, la Royal Air Maroc (RAM), qui dessert 16 destinations en Afrique subsaharienne, semble désormais, après l’échec de son idylle avec le défunt Air Sénégal International (ASI), donner la priorité à la défense de ses parts sur son marché domestique, pris d’assaut par les compagnies européennes et moyen-orientales à bas coûts. Ainsi, le transporteur chérifien (1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2009) est entré en négociation en juillet avec le groupe de voyage britannique TUI pour une prise de participation majoritaire (plus de 60 %) dans sa filiale Jet4You.

La RAM, n’ayant pas connu le succès escompté avec Atlas Blue, mise maintenant sur cette future acquisition pour rivaliser avec Ryanair, EasyJet, Transavia, Air Arabia… qui surfent sur le succès du tourisme dans le royaume. Et pour ne pas rééditer les erreurs du passé, le transporteur marocain laissera la gestion de sa nouvelle acquisition à TUI, qui dispose d’une meilleure connaissance du métier de low-cost.

Une autre piste pour conquérir le marché subsaharien pourrait être la création d’une entité entre différents opérateurs maghrébins. C’est en tout cas ce que laisse penser Wahid Bouabdallah, PDG d’Air Algérie. « J’ai eu d’excellentes discussions avec mes collègues de la région, explique-t-il, et l’idée avance doucement. »

Si une chose est de renforcer sa présence sur le marché pour exister face à la concurrence des compagnies occidentales, notamment sur des liaisons intercontinentales, une autre chose sera de satisfaire convenablement les attentes des passagers. Ainsi, Cheikh Tidiane Camara, le PDG du cabinet de conseil spécialisé Ectar, estime que « fournir des services aux standards internationaux s’impose plus que jamais aux transporteurs africains ».

Titus Naikuni, le PDG de Kenya Airways, le confirme : « Avec la concurrence, vous devez vous assurer que votre service est le meilleur, et que la qualité de votre produit est supérieure à celle des autres. Ainsi s’explique notre longévité sur la desserte de Londres, une ligne sur laquelle nous avons significativement augmenté nos capacités. » Mais il n’y a pas que le service. Certains spécialistes avancent que les transporteurs africains auront, par ailleurs, fort à gagner à se départir de l’emprise de leurs gouvernements et à jouer essentiellement sur des intérêts purement économiques.

Premiers bénéfices

S’émanciper des lourdeurs politiques et gouvernementales a été justement la principale motivation qui a conduit à la création, en 2009, de la nouvelle compagnie sénégalaise, Sénégal Airlines. Mais il faut croire que cela n’a pas suffi, puisque le nouveau transporteur – dont le capital de 34 millions de dollars est détenu à 64 % par des privés – peine toujours à décoller. Le dernier rendez-vous manqué remonte à septembre. En attendant son hypothétique lancement, Sénégal Airlines a opté pour l’appui technique et commercial d’Emirates Airlines, contrairement à Asky et à Air Cemac, qui ont choisi des parrains africains.

Et pendant que la nouvelle compagnie sénégalaise prend son temps pour se mettre en piste, les acteurs présents profitent de la croissance. L’Iata prévoit que le secteur aérien africain fera cette année, pour la première fois depuis 2002, des profits d’environ 80 millions d’euros. Ainsi, Kenya Airways, qui a connu un exercice 2008-2009 déficitaire, vient d’annoncer des bénéfices nets semestriels de plus de 15 millions de dollars. Et Ethiopian Airlines compte multiplier ses profits par six (à 10 milliards de dollars) à l’horizon 2025.

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