Figures de la société civile burkinabè
Président de la commission électorale, roi, rappeur. Indépendant, neutre ou engagé : chacun de ces hommes de la société civile joue une partition singulière.
Il était une fois le Burkina…
Smockey, le poil à gratter de Blaise
Chanteur, musicien et arrangeur
Il faut l’avoir vu, lors des derniers Kora Awards organisés à Ouaga début 2010, rendre hommage à Thomas Sankara devant un Blaise Compaoré, assis dans les premiers rangs, visiblement irrité. Ce n’était pas la première fois que Smockey (contraction de « se moquer ») jouait le poil à gratter du régime. Certainement pas la dernière non plus.
Garder sa langue dans sa poche – voire la tourner sept fois dans sa bouche avant de parler –, Smockey ne sait pas faire. Né en 1971 à Ouaga, de père burkinabè et de mère française, Serge Martin Bambara, de son vrai nom, n’est pas revenu au pays en 2001, après des années de galère en France, pour la boucler. « Le choc, je l’ai eu en 1998. J’étais rentré pour les vacances et je suis tombé dans les manifestations qui ont suivi l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Je me suis installé à Ouaga trois ans plus tard. »
Dans son premier album sorti en 2001, le titre « Putsch à Ouaga » dérange. Mais c’est avec son deuxième album, Zamana, et son clip décapant Votez pour moi, diffusé en 2005 en pleine campagne présidentielle, que le rappeur devient incontournable. Son titre « À qui profite le crime », en référence à la mort de Sankara, lui vaut une convocation d’un ministre et de mémorables mises en garde familiales. Depuis, Smockey a monté un studio (Abazon) et s’est imposé comme l’un des principaux producteurs du hip-hop national. Il est toujours engagé dans plusieurs combats : les revendications des étudiants, la mémoire de Zongo, le culte de Sankara… « Je dérange, je reçois des pressions. Je veux qu’il y ait une prise de conscience de la jeunesse, car on vit dans une démocratie de façade », dit-il. Loin de s’être calmé, Smockey a sorti un nouvel album cette année. Son titre : CCP. Cravate, costard, pourriture.
Moussa Michel Tapsoba, président de la Ceni
Présider une commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’est pas une sinécure. Moussa Michel Tapsoba, 58 ans, le sait bien. Voilà neuf ans que ce père de cinq enfants est aux commandes de la Ceni burkinabè. « Je suis habitué aux polémiques », sourit-il avec flegme, ajoutant que présider cette institution « est bien plus dur que de diriger un ministère. Il faut savoir encaisser… »
Malgré le calme qui a régné avant la présidentielle, la polémique sur le nombre d’électeurs inscrits et les critiques de l’opposition, persuadée qu’il est à la botte du chef de l’État, le laissent de marbre. Issu de la société civile, nommé à la Ceni en 2001 en tant que représentant des associations des droits de l’homme et réélu en 2006, Tapsoba, ingénieur de formation et ministre de l’Équipement puis de l’Eau sous Thomas Sankara, jure qu’il n’a jamais pris parti et se dit en règle avec sa conscience. Pour lui « chaque élection est une nouvelle épreuve ». Celle du dimanche 21 a été sa dernière, et il est « heureux que cela se termine » ; après deux mandats, il ne se représentera pas. Une fois sa mission achevée, dans dix mois, il essaiera de trouver un peu de repos et, pourquoi pas, « un poste de facilitateur »…
Naba Baongo II, roi des Mossis
Un souverain moderne
Pour savoir ce que pense Mogho Naba – le titre donné au souverain du royaume mossi de Ouagadougou, le plus influent de tous les royaumes du Burkina –, le plus simple est d’acheter Les Poèmes de l’empereur, son recueil de poésie paru en septembre, en français et en mooré. Les plus hardis pourront tenter leur chance auprès de son entourage. Succès loin d’être garanti. Il n’est pas donné à tout le monde de rencontrer Naba Baongo II ni d’avoir quelques détails sur sa personnalité : ses biographes officiels sont peu diserts. Né en 1956 à Ouagadougou, le prince héritier, qui aime le sport et fut un bon gardien de but, passe son enfance hors de la cour, obtient son bac au pays et fait son entrée au palais royal le 21 décembre 1982.
« Il est le roi de tout le monde. Il ne peut pas avoir d’obédience politique. Jamais il ne prend position », assure son entourage. La réalité est plus nuancée. Comme d’autres dignitaires – dont certains sont députés ou maires –, Baongo II n’est pas neutre. Il est juste plus subtil : s’il ne s’est jamais présenté à une élection, sa proximité avec le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) du président Compaoré, qui le consulte à chacune de ses grandes décisions, est un secret de polichinelle.
Discret dans les médias, Baongo II ne ménage pas ses efforts en coulisses pour faire reconnaître les valeurs traditionnelles et leur utilité dans la gouvernance moderne. Il se bat notamment afin d’obtenir un statut officiel pour lui et les autres rois – c’est en bonne voie. Il s’est prononcé contre les violences faites aux femmes et a demandé à ses sujets de ne plus pratiquer l’excision.
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