Un bilan qui a convaincu les électeurs burkinabè

Le dernier quinquennat de Blaise Compaoré est globalement positif. Sa réélection dès le premier tour de l’élection présidentielle par près de 80 % de l’électorat le prouve. Et même ses opposants en conviennent. Cependant, les inégalités semblent se creuser.

Poster de Blaise Compaoré lors d’un meeting électoral, le 19 novembre 2010. © AFP

Poster de Blaise Compaoré lors d’un meeting électoral, le 19 novembre 2010. © AFP

Publié le 29 novembre 2010 Lecture : 4 minutes.

Il était une fois le Burkina…
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Il était une fois le Burkina…

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Ici, les villas se monnaient en millions, et le prix du mètre carré dépasse les 40 000 F CFA (61 euros), quand il est à peine de 20 000 F CFA ailleurs dans la capitale. Il faut dire qu’à Ouaga 2000 il y a tout ce que peut rechercher un nouveau riche : du luxe, du calme et quelques endroits branchés. Il y a l’hôtel Laico, un cinq-étoiles qui en jette. Kosyam, le nouveau palais présidentiel, perdu au bout du boulevard Kadhafi. Un centre commercial. Des salons de beauté. Quelques restaurants huppés. Et puis ces boulevards à n’en plus finir : bitume nickel pour voies finalement très peu fréquentées, si ce n’est par quelques taxis et 4×4 flambant neufs.

C’est dans ce nouveau quartier, érigé à la fin des années 1990 dans le sud de la capitale, qu’ont élu domicile, dans des villas cachées par de hauts murs grillagés, les « grands quelqu’un »… Ouaga 2000, c’est la preuve que le Burkina Faso est monté dans le wagon du développement et de la croissance. C’est aussi la marque des inégalités.

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« À Ouaga 2000, on arrose ses fleurs avec de l’eau potable quand, dans les quartiers voisins, on en manque », ironise Bénéwendé Sankara, le chef de file de l’opposition. « Cette ville dans la ville est à l’image du pays. La locomotive avance, mais ses wagons, eux, sont restés en gare. » Et, pendant que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale félicitent le gouvernement pour ses réformes et ses efforts en matière de bonne gouvernance, le Burkina Faso continue de tutoyer les bas-fonds du classement des pays les plus pauvres. Verre à moitié plein ? À moitié vide ?

Une bonne gestion des crises

« Depuis plusieurs années, le pouvoir d’achat des travailleurs dégringole. Et nos revendications ne sont pas entendues », se désole-t-on à la Maison des syndicats, au cœur de la capitale. « J’ai le même salaire qu’en 2005. Pendant ce temps, les prix augmentent », témoigne Sagado Nacanabo, secrétaire confédéral à la CGT-B. En 2008, le gouvernement avait dû faire face à des manifestations d’envergure contre la vie chère. Depuis, le mouvement est en hibernation, mais « ça peut exploser à tout moment, assure le syndicaliste. Comment voulez-vous que les gens s’en sortent avec un salaire minimum théorique de 31 000 F CFA ? »

De l’aveu même de l’opposition, les autorités ont plutôt « bien géré » la crise sociale de 2008, avec, notamment, la mise en œuvre d’un plan pour favoriser l’emploi. Elles ont également été efficaces lors des inondations de septembre 2009, qui ont jeté à la rue plus de 100 000 Ouagalais.

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Dans les campagnes, on manque de beaucoup de choses, mais les cotonculteurs ont le sourire : « Le gouvernement nous aide beaucoup, et les récoltes sont bonnes », assure Karim Traoré, le président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB). En outre, longtemps négligée au profit de « l’or blanc », l’agriculture vivrière est devenue une des priorités du régime depuis deux ans. « L’État a fait de gros efforts pour fournir aux paysans des semences améliorées et pour subventionner les intrants », indique un conseiller du Premier ministre, Tertius Zongo. L’autosuffisance alimentaire est l’un de ses objectifs.

Positive attitude

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Les opposants de Compaoré eux-mêmes en conviennent : « Tout n’est pas mauvais dans son action. » Le positif ? La stabilité politique, « un atout essentiel pour attirer les investisseurs », assure un représentant du secteur minier ; l’activité diplomatique soutenue du président, qui a fait du Burkina Faso un interlocuteur majeur en Afrique de l’Ouest ; les efforts en matière de bonne gouvernance, la priorité de Zongo. Il y a aussi l’ascension du secteur aurifère et la multiplication des accords de coopération, qui favorisent la construction d’infrastructures, comme le nouvel hôpital universitaire de Ouaga (600 lits), inauguré il y a quelques semaines… Il faut dire qu’en matière de santé ou d’éducation les manques sont flagrants (voir tableau).

La liberté d’expression est une réalité. La presse est libre. Les opposants peuvent tirer à boulets rouges sur le président. « Aujourd’hui, je peux parler, avant, je ne le pouvais pas, des militaires encerclaient ma maison », reconnaît Alidou Ouédraogo, leader du Collectif contre l’impunité, avant de se reprendre : « Tout de même, la démocratie existe sur le papier, mais pas dans la réalité. »

Les deux boulets…

Restent ces « deux boulets », selon les mots d’un collaborateur du président, que traîne Compaoré. Le premier : les assassinats non élucidés de l’ancien président, Thomas Sankara, en 1987, et du journaliste Norbert Zongo, en 1998. « Des affaires non résolues, on en trouve dans tous les pays, minore un proche du Premier ministre. La justice s’en est saisie et a requis des non-lieux », ajoute un collaborateur de Compaoré. C’est justement ce qu’on lui reproche. « Tant que cette question de l’impunité ne sera pas réglée, il y aura un problème dans ce pays », estime Alidou Ouédraogo.

L’autre « boulet », c’est la corruption. Tout le monde en parle à Ouaga – chacun se plaît à raconter sa propre expérience au commissariat, aux douanes… Les opposants en ont fait leur principal argument de campagne. Selon eux, cela va de mal en pis. Pour Cyriaque Paré, directeur de la communication à la primature, il s’agit d’une attaque infondée : « Qu’on apporte des preuves. Les rapports de la Banque mondiale démontrent le contraire. »

Celui de l’ONG Transparency International, en revanche, va dans le sens des critiques : au chapitre de l’indice de perception de la corruption, le Burkina Faso a perdu 19 places en un an pour se classer 98e sur 178 pays dans le rapport 2010. En rendant public le rapport de l’Autorité supérieure de contrôle d’État – tenu secret auparavant –, qui énumère les cas de corruption, Tertius Zongo a montré sa volonté d’agir. Reste la question de sa totale liberté en la matière. 

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