L’inquiétant « Monsieur Flandre »
En juin, le N-VA, son parti, a remporté les élections législatives sur un programme ouvertement xénophobe et sécessionniste. Mais qui est donc Bart De Wever, l’homme qui rêve de séparer pour toujours Flamands et Wallons ?
Depuis des années, la Flandre attend un messie. De temps à autre, un de ses enfants se dresse, qui annonce qu’il va tout régler, d’un seul coup. À des problèmes divers et complexes, il donne une solution simple, qui est, en gros, de se débarrasser des Wallons. Bart De Wever est le énième avatar de ce messie flamand. En juin dernier, l’Alliance néo-flamande (N-VA), son parti, a remporté les élections législatives avec environ 29 % des suffrages. Jamais un parti prônant l’indépendance de la Flandre n’avait remporté la victoire dans un scrutin fédéral.
L’homme est né le 21 décembre 1970 à Mortsel, d’un père membre de la Ligue nationale flamande (VNV), mouvement d’extrême droite dont le fondateur, Staf De Clercq, rêvait de créer un État fasciste réunissant la Flandre française, la Flandre belge et les Pays-Bas. Étudiant en histoire à l’Université catholique de Louvain, De Wever devient, en 1991, un membre actif du Katholiek Vlaams Hoogstudenten Verbond, une association d’étudiants proche de l’extrême droite. En 1996, il est pris en photo, souriant, à côté de Jean-Marie Le Pen. À l’université, il participe à l’élaboration de La Nouvelle Encyclopédie du mouvement flamand et entame la rédaction d’une thèse de doctorat sur la formation du parti national flamand après la guerre, thèse qu’il ne finira pas : le démon de l’action politique s’est emparé de lui.
Il fonde alors le N-VA, qui regroupe les membres les plus radicaux de l’ex-Volksunie, parti nationaliste flamand « historique » dissous en 2001. Le jeune De Wever se signale par des actions spectaculaires qui attirent sur lui les feux de la rampe. Le 6 janvier 2005, il convoie en Wallonie, avec ses sympathisants, des camions remplis de milliards de faux billets. L’idée est de dénoncer symboliquement les transferts financiers de la Flandre (« riche ») vers la Wallonie (« pauvre »). Dans la foulée, il exige la fin des transferts sociaux. On reconnaît là un thème de l’extrême droite italienne, elle aussi opposée aux transferts sociaux du Nord vers le Mezzogiorno.
Si, pour De Wever, les Wallons sont presque des sous-hommes, que peuvent attendre de lui les immigrés, en particulier turcs et marocains ? Une indication : en février 2007, il donne une conférence très applaudie devant des militants de l’Association des étudiants nationalistes (NVS), organisation dont le modèle de société est l’apartheid, censé garantir la « pureté » de la race flamande. Les Marocains d’Anvers (le quart de la population) n’ont qu’à bien se tenir !
Déclaration de guerre
Élu député au Parlement flamand le 7 juin 2009, De Wever déclare : « Les francophones continuent de tirer sur une tétine fédérale tarie. Assez ! Plus une seule goutte ! » À l’en croire, il faut affamer financièrement Bruxelles et la Wallonie afin que les francophones, à bout de ressources, acceptent la scission du pays.
En juin, après sa victoire électorale, il est chargé par le roi Albert II d’une « mission d’information » en vue de la formation d’un gouvernement. C’est un échec. Le 8 septembre, nouvelle mission, de « clarification » cette fois, et nouvel échec. Comment pouvait-il en être autrement ? Il faut se souvenir qu’en mai il avait exigé la suppression de la région bruxelloise, à 90 % francophone, et préconisé la mise sous tutelle de Bruxelles, qui est quand même la capitale du pays et de l’Europe… « C’est une déclaration de guerre ! » avait répondu Charles Picqué, le président (francophone) de ladite région. Quelques jours plus tard, ce même Picqué atténuait son propos : « Le dialogue est inévitable, mais sera difficile. »
Mais peut-on négocier avec un Bart De Wever ? Toute la question (belge) est là.
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