Présidentielle ivoirienne : Wade vote Ouattara

Rien ne va plus entre Dakar et Abidjan depuis que le président sénégalais Abdoulaye Wade a reçu le candidat du Rassemblement des républicains, Alassane Dramane Ouattara, en pleine bataille pour le second tour de la présidentielle.

Le président Abdoulaye Wade, le 27 juillet 2010. © AFP

Le président Abdoulaye Wade, le 27 juillet 2010. © AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 18 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Un tête-à-tête Wade-Ouattara à Dakar… En temps normal, quoi de plus banal ! Mais le 4 novembre, une telle rencontre a provoqué une véritable crise. Aussitôt, le conseiller diplomatique ivoirien Alcide Djédjé a accusé le Sénégal « de conspirer en vue d’une déstabilisation » de la Côte d’Ivoire. Le président Gbagbo lui-même a lancé : « Il faut qu’on nous respecte. N’importe qui ne peut pas venir jouer dans notre maison. » Il a fait rappeler à Abidjan son ambassadrice à Dakar.

D’abord les faits. Le 3 novembre, jour de la proclamation des résultats du premier tour de la présidentielle de Côte d’Ivoire, le chef de l’État sénégalais, Abdoulaye Wade, et Alassane Dramane Ouattara (ADO) se parlent au téléphone et décident de se voir le lendemain à Dakar. Qui prend l’initiative de cette rencontre ? « C’est M. Ouattara, affirme son porte-parole, Ali Coulibaly. Les deux hommes sont membres de l’Internationale libérale, et c’est le vice-président qui a demandé audience au président de cette organisation. »

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Le même soir, Abdoulaye Wade appelle Henri Konan Bédié (HKB, arrivé troisième le 31 octobre) et l’invite à venir le lendemain à Dakar en compagnie du président du Rassemblement des républicains (RDR). « Mon patron l’a remercié, confie un proche de HKB, mais il lui a dit qu’il ne pouvait pas y aller, car il devait gérer une crise à l’intérieur du parti après l’annonce des résultats officiels. » C’est à ce moment-là que HKB désigne son avocat personnel, Jeannot Ahoussou Kouadio, pour aller à Dakar.

Le 4 novembre, l’opposant ivoirien décolle donc d’Abidjan en compagnie d’Ali Coulibaly et de Jeannot Ahoussou Kouadio. Selon Alcide Djédjé, le président Wade « a envoyé un avion pour aller chercher » ADO. Mais selon Ali Coulibaly, « c’est le RDR qui a loué un jet. Les papiers de l’avion l’attestent ». À Dakar, direction l’hôtel Méridien. Là, Abdoulaye Wade salue les trois hommes et s’enferme aussitôt avec ADO dans une pièce. Le tête-à-tête dure deux heures trente. Puis le président repart. Ses trois hôtes passent la nuit à l’hôtel et rentrent le lendemain matin à Abidjan. Dès leur retour, ils se rendent chez HKB pour lui rendre compte de l’entretien.

Que se sont dit Wade et Ouattara ? Nul doute qu’ils ont parlé stratégie en vue du second tour. De l’argent a-t-il circulé, comme l’affirment des proches de Laurent Gbagbo ? Réponse d’un cadre du RDR : « Le Sénégal n’est pas très riche. Si c’est pour l’argent, ce n’est pas la bonne destination. » Une chose est sûre : en Côte d’Ivoire, le président sénégalais a choisi son camp, et il ne s’en cache pas !

Hyperréaction

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Commentaire d’un fin connaisseur de la politique sénégalaise : « C’est vrai que Gbagbo a déjà reçu à Abidjan Tanor et Niasse, les opposants de Wade, mais pas juste avant un scrutin. Entre les deux tours de l’élection ivoirienne, le geste de Wade est maladroit. Cela dit, il n’y a pas de quoi menacer le Sénégal d’une rupture. » Pourquoi cette démarche de Dakar ? « Entre Gbagbo et Wade, le courant ne passe plus depuis l’époque où le Sénégal a délivré un passeport diplomatique à Guillaume Soro », au temps où celui-ci dirigeait la rébellion. Pourquoi cette hyperréaction d’Abidjan ? « Gbagbo est persuadé que ça renforce sa campagne contre Ouattara-le-candidat-de-l’étranger. »

Ce thème de campagne est-il vraiment efficace ? « Plus Gbagbo traite Ouattara d’étranger, plus il effraie les gens qui veulent que la Côte d’Ivoire s’ouvre au monde pour s’en sortir », lâche un cadre du RDR. Est-ce un hasard ? Le président ivoirien peaufine désormais son message. Le 9 novembre, lors d’un meeting, il a rappelé cette année 1978 où, en France, Chirac traitait le camp giscardien de « parti de l’étranger ». « Pourtant, Giscard est français », a-t-il précisé. « Ce terme, ça ne veut pas dire que vous êtes étranger, mais que vous travaillez pour les intérêts étrangers. D’ailleurs, Ouattara, c’est moi qui ai signé les papiers pour qu’il soit candidat. » La campagne du second tour sera-t-elle moins agressive que prévu ? À suivre…

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