Usual suspects
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 15 novembre 2010 Lecture : 2 minutes.
Depuis le 9 novembre et l’arrêt « historique » de la plus haute juridiction française – la Cour de cassation –, il est donc possible pour un juge d’instruction d’élucider comment, avec quels fonds, obtenus de quelle manière, un chef d’État, son épouse, ses enfants, petits-enfants, neveux et apparentés ont acquis en France un ou des biens mobiliers ou immobiliers, véhicules haut de gamme, tableaux de maître, argenterie, salles de bains en marbre, écrans plats, chaussures sur mesure, bijoux estampillés place Vendôme et autres babioles, signes extérieurs d’une fortune dont l’origine se perd au-delà des frontières de l’Hexagone.
Et, si l’accusé n’est pas en mesure de produire une fiche de paie dont le montant couvre ces dépenses, de le traîner en justice pour recel de détournement de fonds publics… On s’en pourlèche déjà les babines. Quand on connaît l’étendue des acquisitions en France de l’émir du Qatar, du prince Al-Walid, des cheikhs du Golfe, des potentats de la Saoudie, des oligarques russes liés au Kremlin et des milliardaires chinois membres du PCC, on se dit qu’un champ d’investigation planétaire s’ouvre sous les pas de juges audacieux et que les tribunaux ne vont pas tarder à être submergés de plaintes émanant d’ONG acharnées à débusquer les gros bonnets de la corruption mondialisée, qu’ils se trouvent à Doha, à Moscou, à Riyad, à Brunei ou à Hong Kong. Hélas, ne rêvons pas : l’héroïsme a ses limites.
Ceux qu’une poignée d’associations censées exercer un magistère moral, représenter le bien commun et exprimer une société civile transnationale et idéalisée, poursuivent exclusivement depuis près de quatre ans, ne sont ni rois ni puissants, mais les chefs d’État de trois pays d’Afrique centrale, suspects habituels des ONG, dont la totalité des biens cumulés en France (bien ou mal acquis) n’arrive pas à la cheville de ceux qu’y possèdent les heureux propriétaires du Crillon, du George V et de quelques autres palaces parisiens. Alors, forcément et justement parce que nul n’est censé échapper à la vigilance des chevaliers de l’anticorruption, on se pose quelques questions politiquement incorrectes sur ces ONG qui fonctionnent entre elles en réseau et en miroir avec certains médias.
Pourquoi ce deux poids, deux mesures ? Pourquoi croit-on apercevoir, derrière ces organisations vouées à la transparence universelle, l’ombre des fonds vautours, des multinationales anglo-saxonnes du pétrole et d’un milliardaire américain philanthrope soucieux de se racheter de son passé de spéculateur ? L’objectif serait-il aussi, avant tout, politique ? géopolitique ? Rétives à toute critique, peu portées sur l’introspection malgré le scandale de l’Arche de Zoé, certaines ONG ont fait de l’Afrique leur bac à sable. L’effet produit est le même que pour la Cour pénale internationale : à trop vouloir n’attraper dans les filets du nouvel ordre moral que le fretin africain, on s’expose à ne plus être crédible. Il n’est jamais bon d’avoir l’indignation sélective.
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