Sursis pour les riches

Le système extraordinairement complexe – et d’une efficacité pas toujours évidente – des exonérations fiscales reste en place jusqu’en 2011, au moins. Le gouvernement s’est contenté d’un coup de rabot uniforme de 10 %.

Publié le 10 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Ah ! ces niches fiscales si bien nommées car « il y a un chien à l’intérieur », avait prévenu le député Jean-Pierre Brard. Un chien ? Plutôt une meute, quand on fait le compte de tous les intérêts menacés par la suppression de ces providentielles échappatoires dont la France détient le record mondial : quelque 510 niches (200 de plus qu’au Canada, en Allemagne ou au Royaume-Uni) pour un coût global annuel de 75 milliards d’euros, probablement sous-estimé car le chiffrage de certaines mesures reste très « intuitif », selon la jolie formule de Gilles Carrez, le rapporteur général de la Commission des finances.

Comme le bouclier fiscal, elles auront échappé, pour l’essentiel, à l’épreuve de la discussion budgétaire à l’Assemblée nationale. Puisque ni le gouvernement, ni le Parlement, ni même la Cour des comptes n’ont réussi à évaluer de façon certaine leur degré d’utilité afin de déterminer, pour chacune, s’il fallait la garder, la modifier ou la supprimer. Nicolas Sarkozy et François Baroin, son nouveau grand argentier, ont décidé de leur infliger à toutes un coup de rabot uniforme de 10 %.

la suite après cette publicité

Thérapie de choc

Baroin reconnaît qu’on aurait pu envisager de toutes les supprimer, quitte à les compenser, au cas par cas, par des baisses de barème, mais, explique-t-il, « une telle thérapie de choc n’aurait été concevable que si elle avait été préalablement validée par les électeurs ». Sursis donc, au moins jusqu’en 2011, pour l’aide à l’installation de panneaux photovoltaïques, bien que 90 % soient importés de Chine, et pour la baisse de la TVA appliquée à la restauration, bien qu’elle coûte chaque année au Trésor 3 milliards d’euros et que les contreparties promises par les restaurateurs en matière de baisse des prix et d’embauche n’aient été que très médiocrement appliquées.

Les niches ont certes leur utilité. Elles permettent au gouvernement d’afficher et de soutenir ses priorités en matière d’aide sociale, d’investissement économique et, désormais, de développement durable, sans passer par les circuits sinueux du crédit ou de la subvention budgétaire. Leur défaut est d’échapper aux règles de maîtrise budgétaire. La Commission des finances de l’Assemblée propose d’ores et déjà de les transformer en subventions pour faire jouer la clause de bon sens : « Quand les caisses sont vides en octobre, on attend l’année suivante. »

Effet pervers

la suite après cette publicité

Les niches présentent enfin un effet pervers, qui est celui de tout avantage dans un pays comme la France où la culture de la dépense est au zénith et le degré de civisme au plus bas. Ouvrez à une catégorie un droit nouveau, il y aura toujours des petits malins pour le transformer en fraude. Ce risque de triche est particulièrement à craindre en matière fiscale, où les cabinets spécialisés savent trouver les montages les plus sophistiqués pour réduire ou supprimer les impôts des plus fortunés. Voire obtenir une restitution du Trésor pour « imposition négative ».

La progressivité républicaine de l’impôt se métamorphose en dégressivité de fait. Autrement dit, plus vous gagnez, moins vous payez. Grâce à l’utilisation massive et concentrée d’aides fiscales non plafonnées, 10 000 contribuables du haut de l’échelle fiscale allègent en moyenne leur imposition de 15 240 euros. L’aubaine augmente à proportion des revenus : 300 000 euros pour 1 000 d’entre eux, plus de 1 million pour les 100 contribuables les plus imposés.

la suite après cette publicité

L’aide à l’outre-mer est la plus exploitée par les champions de cette « évaporation fiscale » – charmante formule de la Cour des comptes –, qui peuvent ainsi économiser 42 000 euros en moyenne. Seul bémol à cette critique : le dispositif a indéniablement favorisé le développement des territoires d’outre-mer, bien que moins de la moitié seulement des fonds investis leur reviennent, le reste servant à rémunérer les investisseurs et les intermédiaires.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires